Renversement
de situation.
Avant
L’histoire
du canal d’Orléans est singulière. Troisième canal de ligne de
partage des eaux au Monde, il n’est pas né d’une nécessité
mais de la riposte du Duc d’Orléans et des marchands de cette
bonne ville à la naissance du canal de Briare. Inauguré en 1642, ce
premier canal apporta un coup terrible au commerce orléanais, le
privant d’une moitié de son trafic. Il fallait agir en lançant
immédiatement les travaux d’un second canal quatre-vingts
kilomètres plus en aval.
Une
folie, une décision non fondée du point de vue économique mais de
nature à renforcer une bourgeoisie locale dans son complexe de
supériorité. Les choses n’allèrent pas aussi aisément que
pouvait le penser le bon Duc. Les difficultés s’amoncelèrent pour
retarder sans cesse la douce revanche d’une cité humiliée par
Maximilien de Béthune, Duc de Sully qui ne l’avait pas choisi
comme point de départ du premier canal.
Cinquante
ans plus tard, en 1692 l’affront était lavé, Orléans avait son
canal pour rallier Paris via le Loing et la Seine. L’honneur était
sauf même si ce maudit tracé ne partait que de Combleux, village
situé à cinq kilomètres en amont de la grande ville. Le commerce
pouvait continuer son train jusqu’à ce que justement le maudit
cheval vapeur n’arrive brouiller les cartes et les lois du
transport fluvial que l’on pensait immuables.
Le
Canal d’Orléans connut bien des vicissitudes. Son alimentation fut
toujours la pierre d’achoppement de cette voie qui manquait souvent
d’eau. Il fallut organiser des retenues en forêt d’Orléans,
instaurer un réseau avec une usine de pompage à Fay aux Loges pour
apporter l’eau là où elle manquait cruellement, sur le bassin
versant de la Loire.
Ceci
permit un fonctionnement satisfaisant même si jamais le canal
d’Orléans n’atteignit les résultats de son lointain homologue
briarois. Puis le chemin de fer vint mettre des bâtons dans les
vantaux à la navigation batelière. Le canal se mourait tandis qu’en
Orléans, des rêves de grandeur poussèrent quelques notables peu
soucieux de l’argent public à bâtir une folie pour la seule
satisfaction de l’un des leurs. La Cour des comptes créée un
siècle plus tôt ne dut pas se pencher sur le dossier en 1908 quand
fut lancé le prolongement du canal de Combleux à Orléans.
Un
bief de cinq kilomètres, un prodige et une déraison. Le tronçon
liliputien fut construit à même le lit de la Loire, longeant
celle-ci sur tout son trajet. Les travaux furent interrompus par la
grande guerre, terminés avec des prisonniers allemands pour aboutir
en 1921 à la création de cette merveille d'esthétisme. Le mur
digue est véritablement magnifique même s’il borde une folie
économique sans raison d’être.
Certains
prétendent que ce petit appendice préfigurait le grand projet d’un
canal latéral d’Orléans à Nantes, projet dans les cartons certes
mais pas de la troisième République mais du Second Empire. Un
caprice et rien de mieux, un coût exorbitant pour transporter, du
vinaigre, certes le meilleur de France, mais rien que du vinaigre !
Il y avait de quoi faire la grimace et la lippe.
Trente
trois ans plus tard, l’état mettait un terme à cette mascarade en
fermant le canal d’Orléans et par ricochet son bief dérisoire. Le
temps était à la suprématie de la route sur tout autre moyen de
transport, le développement ne se faisait pas encore durable. Le
bief devint un lieu de promenade prisé par les loirétains quand il
fait beau, rien de plus.
Puis
les nécessités économiques, la recherche d’un gain de place en
bord de Loire provoquèrent le bouchage de la partie orléanaise de
ce fameux bief de la discorde. Il fut obturé de son écluse de la
Motte sanguin jusqu’au Cabinet Vert. Curieusement la partie
restante devint un espace de loisir. Les joutes, la natation, les
pêcheurs trouvèrent leur place et de l’eau dans ce bref tronçon
alimenté par la rivière Bionne.
Il
fallut qu’un projet pharaonique voie le jour pour qu’on repense à
percer ce qui avait été bouché. Faire et défaire c’est toujours
de l’ouvrage quand c’est avec l’argent public. La jonction
Cabinet Vert – Capitainerie allait voir de nouveau le jour. En
2008, la ville reperce le canal, crée une Capitainerie pour le seul
tronçon de 5 km qui ne mène nulle part. La remise des travaux est
signée sans que ne soient vérifiées l’étanchéité et la
conformité des travaux. Les fuites allaient être à la fête.
Curieusement
le tronçon construit, chacun a pu découvrir que rien n’était
entrepris pour réaliser la jonction avec le Canal d’Orléans. Un
mur de béton s’interposant au terme de ces cinq kilomètres de la
désolation ou du gaspillage. Les responsabilités sont multiples
dans cette farce et la colère gronde parmi les cochons de
contribuables. Il a bien servi à quelques navettes illusoires qui a
chaque éclusée, vidaient ce tronçon. Faire son marché en bateau,
ça fait cher les légumes... Le conseil départemental se gardant
bien d’acquérir ce tronçon ridicule auquel l’état semble
tenir.
Depuis,
ce morceau de canal se vide chaque été, tuant des poissons par
milliers qu’on abandonne à leur triste sort. Il fait la désolation
des promeneurs et des pêcheurs. Il offre un spectacle calamiteux,
indigne des ambitions touristiques de la Métropole. Pour cacher la
misère, lors du festival de Loire, il a fallu pomper l’eau dans la
Loire et installer un batardeau au Cabinet Vert, inversant ainsi la
situation de 1950 à 2008 : de l’eau sur Orléans, le désert à
Saint Jean de Braye. On nous annonce le retour des joutes, il
conviendra que nos amis installent des roulettes à leurs bateaux.
Quant à la chute des jouteurs, elle sera amortie par la vase et les
algues qui s’accumulent là. Un vrai spectacle original qui fera la
joie de tous.
Liquidement
leur.
Maintenant
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire