mercredi 30 octobre 2019

Ma vie au fil de l'eau


À Rohan et tous les bateliers véritables




Je suis né sur une péniche
Il y a bien longtemps de cela
Nous n'étions pas bien riches
Sur tous les canaux d'ici-bas
Nous vivions dans une cabine
Qui n'avait rien d'un palace
Ma chambre était la cuisine
Tout à bord avait sa place

C'est ma vie au fil de l'eau
Qui coule dans mes veines
Ma maison est un bateau
Tous les jours de la semaine


Quand j'ai appris à marcher
Ce fut sur un pont étroit
J'ai continué de naviguer
Ma vie suivait la voie
Mon école était le canal
La maitresse ma tendre mère
L'écluse sonnait le bal
De la porte marinière

*


Les années ont vite passées
Le choix je n'avais guère
J'ai continué le métier
Celui de mon pauvre père
Lui qui était mort à la tâche
Trimant du matin au soir
Sans la moindre relâche
Pour un si maigre avoir
*

J'ai trouvé ma belle batelière
Dans le joli port de Strasbourg
Une fille née sur la rivière
Que j'ai épousé par amour
Nous avons connu la misère
La fin de nos belles années
Pour travailler quelle galère
Le transport fluvial qui coulait
*

Je ne trouvais plus de travail
Je dus alors débarquer
Le fret de la route et du rail
Finit par nous condamner
Ma péniche eut ses funérailles
C'était mon passé déchiré
Ma vie n'était que ferraille
Je finis par en pleurer ...

Tableaux de 
Claude Peintre
 

mardi 29 octobre 2019

La guerre en question


La peur au fusil

 

La guerre est-elle une manière de tuer le temps pour les militaires ?
Une guerre sainte impose-t-elle un chemin de croix à ses fidèles ?
Les guerres atomiques finiront-elles par pousser comme des champignons ?
Comment rallumer une guerre froide ?
La guerre des étoiles fait-elle recette au cinéma ?



La guerre conventionnelle tient-elle du jeu de société ?
Quand les nations seront-elles enfin lasses de la guerre ?
Si la guerre justifie les moyens, ne satisfait-elles que les Grands de ce monde ?
La guerre restera-t-elle éternellement sur ses positions ?
Comment une guerre peut-elle être propre ?



Une guerre éclair peut-elle régler des relations orageuses entre deux nations ?
Si la guerre éclate, pourquoi se poursuit-elle ensuite ?
Le crime de guerre relève-t-il des risques du métier ?
Sur quel bouton appuyer pour déclencher une guerre ?
Peut-on avoir les deux pieds dans le même sabot quand en est sur le pied de guerre ?



Quand ils sont partis la fleur au fusil, était-ce des chrysanthèmes ?
Les chants de guerre se chantent-ils tous en canon ?
Quand la guerre nous fichera-t-elle la paix ?
S'il existe une paix des braves, à qui attribuer la guerre ?
Qu'avez-vous à déclarer avant de partir à la guerre ?



Quel intérêt la guerre aurait-elle à vous épargner ?
Guerre et paix ne sont-elles que les deux faces d'une même tragédie ?
Dans une guerre bactériologique, les maladies se répandent-elles comme une traînée de poudre ?
Dans une guerre totale, sont-ce les victimes que l'on opère ainsi ?
Peut-on engager une guerre en dégageant toute responsabilité ?



Est-il conseillé d'être dans les papiers de celui qui mène une guerre de propagande ?
Un va t'en guerre finira-t-il par en revenir ?
Dans le concert des nations, existe-t-il un état de guerre ?
Une guerre sans merci manque-t-elle de politesse ou de savoir vivre ?
Les menaces de guerre effraient-elles les esprits belliqueux ?



Une guerre sans issue peut-elle être dans une impasse ?
Qui va recoudre les morceaux après une guerre chirurgicale ?
Les chômeurs sont-ils des victimes collatérales de la guerre économique ?
Peut-on rester sur ses positions à propos de la guerre de mouvement ?
Peut-on rester sur ses positions pendant une guerre de tranchées ?



Sont-ce les vies qui s'érodent durant la guerre d'usure ?
La guerre des boutons ne donnait-elle que de l'urticaire ?
Peut-on faire une crise pendant la guerre des nerfs ?
Une guerre larvée nous fera-t-elle sortir de notre coquille ?
Faut-il un permis de tuer pour conduire convenablement une guerre ?



Une bonne guerre provoque-t-elle l'inflation du nombre des médailles ?
Les médailles militaires n'ont-elles que des revers ?
Les cérémonies militaires sont-elles toutes funèbres ?
Les marchands d'armes de guerre ont-ils une âme ?
Pourquoi en temps de guerre, les états majors ne sont-ils jamais en première ligne ?

Belliqueusement vôtre.

 

Le vin au pichet


À la vôtre

 


Ça sent le vin, tiré au pichet
Pour des gredins, qui sont s'enivrer
Ça sent le vin, vidé par lampées
Par des marins qui sont arsouillés



Quelques catins, qu'ils veulent enlacer
De gros chagrins, qu'il faut oublier
Un p'tit rouquin, bu à ta santé
Un gros câlin, presque dérobé



Jusqu'au matin, des chants entonnés
Pour un refrain, et peu de couplets
Des mots malins, des airs plus légers
Tous les copains, le cœur enchanté



Quand un vilain, bien trop éméché
D'un coup de poing, se fait étaler
Les rires en coin, se mettent à fuser
Les plus coquins, lui paient une tournée



Quand la putain, aux charmes fanés
Prend par la main, un chtiot délaissé
Le bon gamin, qu'il faut déniaiser
Sera marin, en fin de soirée



Un vendéen, parti en bordée
Joue l'aigrefin, devant la chambrée
Prend un filin, pour l'entortiller
D'un tour de main, en fait une poupée 

 

Un argousin, venu s'abreuver
Paie du Chenin, quand c'est sa tournée
Refus hautain, de cette assemblée
C'est trop commun, pour l'amirauté



Ça sent le vin, tiré au pichet
Pour des gredins, qui sont s'enivrer
Ça sent le vin, vidé par lampées
Par des marins qui sont arsouillés


dimanche 27 octobre 2019

Les champignons en question



À prendre au pied de la lettre et sans chapeau.



La cueillette des champignons est-elle spore de haut niveau ?
Doit-on manger son chapeau quand on ne trouve pas de champignons ?
Peut-on prendre son pied en perdant la tête ?
Un ramasseur qui appuie le pied sur le champignon commet-il un excès de vitesse ?
Comme pour le Roquefort, y-a-t-il un champignon dans la tome ? 



Faut-il mettre tous ses œufs dans son panier à champignons ?
Un piètre ramasseur corse peut-il être qualifié de trompette ?
Est-ce que les mousserons s'amassent sous la mousse ?
Un cueilleur lubrique ne ramasse-t-il que des phallus impudiques ?
Existe-t-il des quota pour les lactaires délicieux ?



Peut-on retourner une vesse de loup ?
La girolle fait-elle tourner les têtes ?
Peut-on avoir la truffe dans le nez ?
Le cèpe pousse-t-il près des vignes ?
Faut-il donner sa langue au bœuf ?



Les champignons de couche finissent-ils par s'en passer en grandissant ?
Peut-on inculper un champignon vénéneux ?
Un champignon comestible peut-il se mettre à table et avouer un empoisonnement ?
Peut-on se fier à un champignon véreux ?
L'amanite ne s'en prend-elle qu'aux mouches ? 



Comment passer un anneau au pied d'un champignon ?
Les rosés se mangent-ils maintenant avec du pamplemousse ?
Est-il plus facile de chercher des champignons avec un compteur Geiger ?
Les pieds de moutons poussent-ils en troupeau ?
Bolet : n'est-ce pas un oxymore ? 



Faut-il leur couper l'herbe sous le pied ?
Les champignons de Paris ont-il la cote ?
Faut-il tenter le diable avec un bolet de Satan ?
Les champignons hallucinogènes sont-ils stupéfiants ?
Pourquoi les champignons préfèrent-ils les propriétés privées ? 



Faut-il un microscope pour observer les lamelles ?
Les aiguillons du pied de mouton sont-ils inoffensifs ?
Peut-on caresser l'espoir de trouver des clitocybes comestibles ?
Peut-on trouver des coprins secs ?
Un cueilleur peut-il tomber en plein marasme ?



Le pied bleu est-il le champignon préféré des lutins ?
Faut-il avoir du piston pour connaître un coin de trompettes ?
La cueillette des champignons est-elle une activité à hauts risques en Sologne ?
Le champignon relève-t-il encore du droit ancestral de glanage ?
Suffit-il de se baisser pour ramasser ?



Peut-on faire des omelettes sans eux ?
Le panier en osier est-il fourni avec un guide mycologique ?
Un cueilleur pris la main dans le sac finira-t-il au panier à salade ?
Les champignons boutent-ils leur chapeau devant les belles dames ?
Les feuilles mortes servent-elles de couverture aux champignons ?

Mycologiquement vôtre.


samedi 26 octobre 2019

La chèvre qui danse et qui chante


©La chèvre qui danse.



Dans le port de Recouvrance
Un bel animal très gourmand
Venait voler sa pitance
Quand accostaient les grands chalands

Bateaux chargés de céréales
De l’orge, de l’avoine ou du blé
La chevrette qui s’en régale
Sautait par dessus le pierré

Elle s’en remplissait le ventre
Les mariniers s’en amusaient
Puis retournait dans son antre
Une bergère l’y attendait

C’est à la saison des pommes
Que la chèvre vraie follette
Dévorait il faut voir comme
À s’en remplir la caillette

Un chalandier compatissant
Pour lui permettre de digérer
Remplit un seau de vin blanc
Qu’elle avala d’une seule lampée

S’en retournant en sa maison
Trottinant de hue et de dia
D’avoir bu sans modération
Le tendre caprin culbuta

Sur le port de Recouvrance
Ivre de tant de vin de Loire
Pour cette chèvre qui danse
Une rue célèbre sa gloire




Le coq au vin de Loire



Histoire d’une légende



Il était une fois dans un passé lointain un homme, un ligérien bon teint qui était connu comme le loup blanc dans tout notre Val. Jules, bon vivant, grand buveur, était un fêtard hors pair à tel point que sa compagnie était recherchée en différentes grandes occasions de la vie villageoise et rurale. L’homme répondait d’autant plus présent qu’il savait disposer du gîte et du couvert en maints endroits.

Il était réputé également pour être toujours flanqué de son inséparable mascotte, un coq de combat, une bête terrifiante qui semblait invincible. Les occasions de se divertir en cette époque lointaine étaient rares, la bataille furieuse entre des gallinacés intégrait souvent le programme des divertissements avec l’incontournable bal et l’indispensable banquet.

Jules tout autant par dérision que pour illustrer le caractère guerrier de son cher coq l’avait baptisé César. Ils formaient ainsi un couple réjouissant dont la présence lors d’une fête votive garantissait la réussite de celle-ci. Ce jour-là, Jules et César étaient conviés à la moisson dans un grand domaine de Bourgueil. Le coq fut une fois encore vainqueur sans contestation d’un malheureux rival qui ne s’en remit pas tandis que son patron leva dignement le coude sans jamais tenir la faux.

À la fin de la journée de labeur pour beaucoup, de libation pour Jules, l’état du buveur n’était pas glorieux. Manifestement, il n’était plus en mesure de surveiller un animal qu’il avait dressé dans le but exclusif de se montrer agressif. Il convenait de le mettre à l’abri afin d’éviter qu’un gamin ne soit éborgné par le fauve. Jules se résolut, titubant plus que de raison, de l’enfermer dans l’écurie. Hélas, sa démarche chaloupée et sa vision incertaine lui firent commettre grande méprise. Il se trompa de porte, entra dans un espace sombre avec quelques marches descendantes.

L’ivrogne ne perçut pas qu’il faisait fausse route, son esprit altéré ne lui permettant plus d’accéder au moindre raisonnement. C’est ainsi que dans l’obscurité la plus totale, il attacha au jugé son coq à un morceau de bois qui dépassait de la paroi. Il remonta cahin-caha cet escalier de pierre aux emmarnchements inégaux. Les degrés lui furent fatals, il roula boula et finit sa soirée dans l’endroit, ivre mort.

Au petit matin, Jules retrouva un semblant d’esprit. Il avait la tête lourde, la bouche pâteuse mais encore assez de réflexion pour s’étonner que ce ne fut pas le chant glorieux et tonitruant de César qui lui fit ouvrir les yeux. Il était dans un endroit sombre dont il ne gardait aucun souvenir. Il tâtonna, découvrit non loin de lui, le corps inerte de son champion. Affolé, il se mit en quête d’aller quérir du secours et à défaut une chandelle.

Il remonta cet escalier de pierre qui l’avait jeté au fond de la cave, vous l’aviez deviné. Il avait une telle allure qu’il déclencha l’hilarité des gens du domaine qui s'apprêtaient à retourner à l’ouvrage. L’un de ces gueux lui vint en aide, s’équipa d’une lanterne et l’accompagna dans le cellier enterré. Horreur, César baignait dans une mare de vin !





Le coq avait été attaché à une cannelle. En se débattant il avait fait sauter le bouchon et le fût s’était déversé. Jules comprenait mieux la forte odeur de vin dont ses vêtements étaient largement imprégnés. Il comprit aussi que son gagne-pain avait succombé d’un comas éthylique bien qu’il ignorait tout de ce terme. Il venait d’être puni par là où régulièrement il fautait.

Privé de son passeport, Jules savait qu’il en serait fini des belles bordées. Autant finir en beauté. Dignement, il prit le martyre dans ses bras, remonta les marches et s’en alla dans la cuisine de la ferme. Dans une emphase digne d’un grand tragédien il déclara à la cuisinière que lui incombait de rendre les derniers hommages à ce fier gallinacé.

La dame fit la moue, le coq sentait la vinasse, son plumage était souillé et après l’avoir déplumé en le jetant, ô paradoxe terrible, dans l’eau bouillante, elle découvrit une chair rougie par la boisson qui avait entraîné son trépas. Que faire de cette viande abondante certes mais quelque peu amollie par le vin ?

C’est toujours le hasard, les coïncidences, les concours de circonstance qui donnent naissance aux grandes créations humaines. La femme, tout en pinçant du nez se dit qu’il n’y aurait pas plus belle ironie que de mijoter ce mâle belliqueux dans une cocotte. Il est vrai que ce terrible César n’avait jamais pu honorer une femelle sans la tuer peu de temps après. Pour parvenir à rendre comestible cette vieille carne musclée tout autant que pour atténuer les effets de son bain funèbre, elle le fit cuire dans du vin de Bourgueil.

Ce fut le premier coq au vin de le grande histoire de la gastronomie ligérienne. Une recette qui fit le tour du monde et alla même jusqu’en Chine, portée fièrement par un maître queux voyageur à la recherche du secret du canard laqué. Mais la légende se montra injuste vis à vis de la véritable créatrice qui resta dans l’ombre, à jamais inconnue alors qu’elle nous avait proposé un trésor précieux.

Pire encore, l’histoire fit le tour de la région. Jules était connu de tous, son coq César également. La légende fit son miel de la confusion, les bonimenteurs s’emparèrent du récit pour attribuer au Grand Jules César la paternité de la recette. On prétendit faussement qu’il désirait ainsi humilier les gaulois en cuisinant leur animal emblématique dans du vin, breuvage qui aurait suivi la progression de l’envahisseur. Il se trouve encore des menteurs pour diffuser cette sornette tandis que ceux-là ne croiront jamais la véritable histoire.

Quant au brave Henri IV, il s’est sans doute complètement fourvoyé en proposant la poule au pot. La pauvre bête noyée dans de l’eau, vous n’y pensez pas. César en eut été scandalisé.

Bachiquement vôtre.

jeudi 24 octobre 2019

Le voyage d’une goutte d’eau





Un conte pour les enfants



Un récit chargé de lourds nuages

Ça ne coule pas de source.


Il était une petite goutte d’eau qui aimait voyager. Elle en avait vécu des aventures, expérimentant des circuits de plus en plus complexes, au fur et à mesure que les humains étendirent leur empreinte sur la planète. Avant eux, tout était si simple, le cycle de l’eau coulait de source, il prenait certes des chemins détournés, acceptait parfois de longues stations dans une nappe phréatique comme celle de Beauce, s’accordait des détours surprenants par le truchement des végétaux, prenait racine dans quelques lacs souterrains avant de ressurgir en plein soleil et de disparaître en fumée.

Nul nuage noir dans cette formidable loterie qui ouvrait le bal, ici dans une source, là dans un puits, ailleurs dans une résurgence, plus loin encore dans un océan ou bien une rivière. L’eau coulait, coulait, coulait sans se charger de poisons ni même d’immondices. La boue, la poussière, le sable, le pollen et bien d’autres choses encore, toutes plus naturelles les unes que les autres, se chargeaient de lui compliquer un tant soi peu l’existence et le mouvement. Mais rien de bien grave en somme, pas de quoi déposer la moindre plainte ni la plus petite récrimination.

L’eau allait son chemin, toujours accessible, toujours comestible. Les animaux et les plantes pouvaient s’en nourrir sans crainte, profitant pleinement de ses bienfaits. Où qu’elle fut, elle était source de vie et de santé, élément indispensable à toute vie sur cette planète. C’était un temps merveilleux où nulle force ne s’arrogeait le droit de propriété sur ce bienfait de la nature.

C’était un temps avant la venue des drôles d’animaux qui allaient debout sur leurs jambes. Ceux-là ont changé la donne, modifié l'équilibre, bouleversé les règles du jeu naturel. Il y eut des barrages et des retenues, des dérivations et des fossés, des puits plus profonds qui asséchaient les petites réserves voisines. L’eau devint un enjeu de pouvoir ou bien l’expression de la puissance. Elle découvrait alors que les hommes étaient capables de calculs, de viles stratégies pour priver d’autres humains de ce bien si précieux.

Mais là encore, tout ceci n’était rien en comparaison de ce qui allait suivre. L’expansion humaine fut accompagnée d’un bouleversement du sol. Des forêts arrachées, de drôles de matériaux couvrant les terres, des canalisations, des fossés, des dérivations, des circuits souterrains. L’imagination des nouveaux maîtres de la planète était sans limite. L’eau filait un mauvais coton.

Elle conserva sa pureté de nombreuses années encore, se moquant des fantaisies de ces drôles de personnages jusqu’à ce qu’ils se mettent à user sans mesure de cette merveilleuse ressource naturelle. Les tanneurs, les teinturiers, les équarrisseurs, les métallurgistes, les potiers, les lavandières, les maîtres verriers, les ferronniers, …, la liste serait interminable de ceux qui se mirent à souiller sans retenue nos rivières et nos sources.

Pourtant, les paysans étaient encore des êtres raisonnables. Ils respectaient la nature, le cycle des saisons, les animaux et l’eau dont ils usaient avec parcimonie, ne comptant le plus souvent que sur les pluies pour irriguer leurs récoltes. Ils semaient, engraissaient leurs terres des fumiers de leurs étables et tout allait pour le mieux dans un monde encore fréquentable.

Puis soudain tout bascula. Des ingénieurs, des chimistes, des plus savants et sans doute plus cupides que les autres se soucièrent d’améliorer les rendements, de nourrir les sols avec des produits douteux sortis d’industries honteuses. Les agriculteurs se firent empoisonneurs de l’eau sans même le savoir, sans s’en douter, croyant naïvement les arguments oiseux des marchands de mort. Bientôt, il ne fut plus possible de boire l’eau des fossés, puis ce fut celle du puits, puis bientôt, il devint indispensable de traiter l’eau avec d’autres produits tout aussi inquiétants.

Le cycle de l’eau continuait son immuable mouvement. Cependant il y avait quelque chose de changé, la petite goutte d’eau portait de lourdes menaces pour la santé des humains mais aussi pour celle des animaux et des plantes. Des métaux lourds, des phosphates, des poisons affreux, de la radioactivité se dissolvaient dans l’onde pure d’antan pour en faire un liquide mortel.

L’eau devint un produit marchand. Des humains, au nom de je ne sais quelle morale propre à cette étrange espèce, prétendirent possible de vendre l’eau, de l’accaparer, de la commercialiser. Un don du ciel ou de la terre qui devenait par une étrange baguette de sourciers financiers, une affaire rentable et l’occasion de priver de moins chanceux de ce qui n’avait jamais été mesuré par la mère nature.

La petite goutte d’eau ne pouvait plus voyager selon sa fantaisie. Elle devait passer par les fourches Caudines des scélérats, des empoisonneurs, des accapareurs, des apprentis sorciers, des compagnies industrielles. L’eau aussi devait disposer d’un passeport pour franchir une frontière, pour irriguer ou bien hydrater. Elle était taxée, vendue, détournée, mesurée, galvaudée.

L’eau se dit que les hommes ne la méritait pas. Elle cessa de couler, elle se cacha dans les entrailles de la Terre, elle s’enfuit des rivières et des océans pour mettre à mort cette espèce imbécile et cupide. Elle cessa de tomber comme pluie d’argent, les hommes étaient trop avides pour apprécier sa valeur. Ils moururent de soif d’avoir eu trop faim de richesse. Alors, alors seulement, quand il n’y eut plus un seul animal debout sur ses jambes, elle revint irriguer une Planète à nouveau fréquentable.

Précipitamment sien.




mercredi 23 octobre 2019

La baguette magique


La baguette magique



J’avais une baguette magique
Pour honorer des fées gourmandes
Avec le temps, c’est bien tragique
Elle ne répond plus sur commande


Les dames, pour de tendres voyages
Tout en délicatesse exquise
Se lovaient dans un doux sillage
À fondre toutes les banquises
Au secret d’un pays enchanté
La baguette faisait des miracles
La douce bergère transportée
Était effigie au pinacle

C’est alors en tutoyant le ciel
Qu’elle perdait sa fleur délicate
Un voyage rien que pour toutes celles
Qui ne se montraient pas ingrates

La baguette a perdu son pouvoir
Elle se plie aux attentes de l’heure
Merlin doit rebrousser son chemin
Ses pouvoirs magiques sont un leurre

C’est la bergère qui de son côté
Dans ce monde qui ne tourne plus rond
Dispose d’une vertu inégalée
Faire d’un enchanteur un cochon

J’avais une baguette magique
Pour honorer des fées gourmandes
Avec le temps, c’est bien tragique
Elle se défile quand on la quémande


mardi 22 octobre 2019

Rue des 3 pucelles


La version de Rohan



Rue des trois pucelles
Y’avait une donzelle
Qu’aurait donné son corps
Pour une pièce en or
Mais son modeste cul
Ne valait qu’un écu
Mais son modeste cul
Ne méritait pas plus

Elle y comblait pourtant
Tout ses nombreux amants
Qu’elle eut bien mérité
D’être récompensée
Hélas chez les manants
On n’a guère d’argent
Hélas chez les manants
On est fauché tout l’temps

Si elle s’en contentait
C’est qu’elle se doutait
Y mettant tout son cœur
D’leur donner du bonheur
Bien plus qu’leurs épouses
Frigides et jalouses
Bien plus qu’leurs épouses
Quand elles quittent leu’ blouses

Elle était généreuse
Ses formes avantageuses
Promettaient du plaisir
Pour qui aime à jouir
De la satisfaction
Tout le temps de l’action
De la satisfaction
Sans aucune exception

De son pauvre tarif
Bien peu prohibitif
Elle tirait malgré tout
D’quoi joindre les 2 bouts
C’est un sacré turbin
Que celui de putain
C’est un sacré turbin
Le métier de catin

Rue des Trois pucelles
Ils sont venus vers elle
Trois charmants matelots
Oh dieu qu’ils étaient beaux
Elle se donna par jeu
Pour encore moins que peu
Elle se donna par jeu
Et partit avec eux

Elle se donna par jeu
Et partit avec eux



lundi 21 octobre 2019

De la parlure ovale au pays des betteraves




En fouillant les archives du Courrier du Loiret à la recherche de documents  j'ai mis à jour une archive de 1909 : un gars qui a mal tourné  narrait un des premiers matches de Rubgy en terre betteravière. Ce petit gars maigriot, au regard de flamme, aux lèvres pincées, était un grand poète. Il allait chantant les gueux des villes et des champs, dans son jargon savoureux, avec son inimitable accent du terroir. Il flagellait les tartuferies, magnifiait les misères, pleurait sur les réprouvés et sonnait le tocsin des révoltes de toutes sortes.

« L'matin, quand qu'j'ai cassé la croûte,
 J'pouill' ma blous', j'prends moun hottezieau, 
et mon bezouet, et pis, en route ! 
J'm'en vas comme tous le paysans de biauce au match de foot-balle Rugby. Vl'a itou les bourgeouésiaux de l'environnage qui s'en ramènent après la messe. Tout c'monde se presse comme à confesse pour s'encanailler au bord du pré Pasteur.
Y'a tantôt les gars du bourg qui vont régler leu' compte à ceusses de la gran'ville !
Tout l'monde est ben gaitiau au futur spectacle des têtes qui s'cabossent, des corps qui s'culbutent, des caberioles et tous ' ceusses qui vont ramasser sur le pré au'nom de la fraternité sportive. On s'retrouve là pour s'encanailler sur' l'dos des orléanistes. Ce soir on verra tout'en rose pour peu qu' nos rouges et noirs ont fessé ceusses d'en face.
     C'est vrai y'a un p'tit vent ben frisquet sur not' plaine de biauce et qu'à s'accoter sur la rambarde on pourrait ben attraper la mort avnt qu'not' heur est sonnée. Alors on s'presse pour se mett'e dans le gosiers queques godets de vin chaud : une bonne saoulée de no't goutteux Baccou ça vous r'met d'aplomb un houmm' qui va passer l'après midi dehor'. Le chaud qui vous réchauffe les boyaux du vent'e délie itou les langues. Y'a à c't'heure ben plus de boniments sans queue ni raison que d'propos censés, mais en c'repos dominical, on a ben l'drouet de se laisser aller.

     Quand nos p'tits gars font leur entrée sur le pré, on abandonne à r'gret not' bout de zinc et on s'agglutine sur la coursive. On s'demande ben pourquoi ces pe'tios soufflent comme de beufs,qu'ils su', qu'ils geingnent, qu'ils quintent 
Pour gangner l'bout d'terrain qui va leur permette de pauser la vessie d'porc derrière les perches dressées !

    Et tertous, l'pésan coumme el'riche,
 el'rich' tout coumme el'pauv' pésan, on s'met à beugler à plein poumons pour les encourager. C'est ti drôle ce tas d'gens qui braill'nt coumm' des vieaux !

    Sur le champ de betteraves, y'a p'us moyen de reconnaître les not'es de ceusses d'en face. Y sont couverts de boue de l' tête aux pieds. Faut dire qu'elle est bien aimante not' terre de Biauce ! Dans la fin' vadrouill', les v'las ti pas qu'ils s'lancent
 des coups de boxe. Ah ! la belle jeunesse ! L'espoir de la France !

     Tout ça va finir autour 
d'la Manille et des billards et d'une armée de bocks qu'ils vont alaver à p'tites lampées. Qu'i's ont l'air heureux, à c'tte'heur', nos pequits ! Regardez les gueuler !
 Danser la gigue avec leurs belles !
 Faire du chahut jusqu'à la nuit ! Et don', coumm'ça, bras-d'ssus, bras-d'ssous,
l's vont gueulant des cochonn'ries.
 Pus c'est cochon et pus i's rient,
 et pus i's vont pus i's sont saoûls.

    Ah ! la bell' jeuness' ! Les uns ont des moeurs
 a fair' reverdir la muse à Coppée.
avant qu'd'aller s'coucher quand il est onze heures à nuit.
Les autr's à la fin' vadrouill' y sont ti pass'saoul' à renifler dans un chalumeau
"
C'est à c't'heure qu'ils s'en vont chez eux'autres et nou' itou.

   Ah ! mes bonn's gens ! J'ai ben grand'peine d'm'en retourner à la ferm' !
Demain j'reprends les jours de peine  et j'oublierai ben vite c'dimanche, jour de rugby en pays betteravier . »

Vernaculairement vôtre.

J'aime le vin d'ici : notre bon petit gris ...

  Que bois-tu Chalandier ? Que bois-tu Chalandier ? Ton verre est tout vidé Quel est ce doux délice Qui te met en supp...