lundi 15 juillet 2019

Feu d'Artifice sur la Loire


La grande célébration païenne.



Pour la fête nationale, il est un rendez-vous qui réunit toute la population en un lieu qui s'ouvre sur un espace libre : un point de vue imprenable, un monument majestueux dans l'attente d'un message céleste. Le bon peuple s'agglutine, chacun s'évertuant à trouver la bonne place, l'endroit duquel son paysage visuel sera entièrement dégagé. La chose exige de la persévérance, beaucoup de chance et la capacité de patienter de longues heures, en s'y prenant longtemps à l'avance. Pour ceux qui ont besoin de s'asseoir la quête est encore plus complexe, à moins qu'ils n'arrivent avec un fauteuil pliant ou roulant.S'installer n'est pas l'essentiel, même si c'est une condition importante, il convient de choisir son entourage immédiat pour éviter quelques désagréables cohabitations. Il y a les tribus bruyantes, les groupes qui sont là simplement pour le plaisir d'être ensemble dans la multitude en se faisant remarquer par les mille et une manières sonores qui s'offrent à eux. Il y a les amoureux dans la foule, ceux qui ont besoin d 'exprimer leur passion sans pudeur ; ils peuvent troubler un entourage par des gestes guère équivoques.

Redoutables sont les groupes d'adolescents qui n'ont pas dépassé le stade du fou rire permanent. Amusants au départ, leurs éclats interminables finissent par lasser d'autant plus aisément qu'on ne perçoit pas souvent les raisons de leur hilarité. Plus à craindre encore : ces groupes munis d'un stock impressionnant de bouteilles qu'ils comptent bien vider durant la soirée. Ceux-là sont capables de tous les débordements par des fusées qui ne sont pas au programme …Une fois votre emplacement choisi ou bien adopté faute de mieux, vous allez devoir patienter. Les dernières lueurs du crépuscule doivent avoir tiré leur révérence afin que le spectacle puisse embraser l'obscurité. La foule bruisse d'une multitude de conversations qui vont soudain cesser quand des indices sérieux précédent le coup d'envoi tant attendu : les lampadaires s'éteignent, le silence se fait et quelqu'un met alors le feu aux poudres.

La première fusée explose dans le ciel ; les enfants sursautent, les plus émotifs réagissent ; par la suite, la succession infernale des explosions et des illuminations sera ponctuée d'exclamations en « oh » ou « ah », qui semblent être les formules universellement admises pour la circonstance. Phénomène nouveau : des myriades d'écrans viennent polluer le spectacle en le multipliant à l'infini à travers ces maudites lucarnes. Pourquoi, diable, ne pourrait-on pas profiter pleinement de l'animation au lieu de vivre le feu d'artifice à travers l'œilleton ?

Les fusées se succèdent : patchwork de lumières multicolores, en ronds, en gerbes, en poussières, en traînées incertaines : toutes les géométries possibles au service de notre admiration. Même les explosions ont appris à moduler leurs colères : du bruit de la caronade à celui plus strident des flammèches folles. L'ensemble se veut constituer une chorégraphie de couleurs et de bruits qui tient en haleine une foule éberluée Quand les explosions deviennent vacarme infernal, que le ciel s'embrase littéralement, la foule retient son souffle ; elle devine que les organisateurs laissent là leur ultime force dans la bataille ; la nuit qui va bientôt regagner ses droits doit avouer une dernière fois sa défaite éclatante. Enfin tout cesse et la foule qui avait pressenti ce moment suprême, explose à son tour dans un tonnerre d'applaudissements. Bien rares sont ceux qui se trompent : le bouquet final ne doit jamais laisser d'incertitudes ...
 

Une fois encore, je m'interroge sur le succès de ce rendez-vous incontournable des fêtes et des célébrations grandioses. Son éternel recommencement ne lasse pas la foule, bon public, pourvu que ce soit gratuit ; elle se presse en masse, repart parfois déçue, espérant toujours mieux que la dernière fois. Que ce soit son argent qui parte ainsi en fumée ne semble pas lui poser problème : il y a de la plèbe romaine dans cette multitude. 
 
 
Puis ce sera le grand embouteillage, la fuite dans le même instant de tous ces gens agglutinés en un endroit qui se caractérise le plus souvent par son manque de dégagements. Ce cul-de-sac gigantesque a pris dans ses rets une foule qui, dans sa grande majorité, a fait le choix de l'automobile pour se rendre à la célébration païenne. En sortir ne sera pas une partie de plaisir : il faut d'abord se frayer un passage dans une masse compacte de piétons, atteindre son véhicule parmi les premiers pour avoir un espoir d'échappatoire puis fendre les marcheurs sans craindre de les bousculer. La loi de la jungle urbaine reprenant ses droits, il convient de rentrer au plus vite pour mettre en ligne ce qu'on vient de filmer ou pour se repasser ce moment grandiose sur écran géant.
 
 


Photographies 
de
 J-B Sans Nom
Merci à lui  
 
 

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