jeudi 31 janvier 2019

Sur son cahier d'écolier


À Josette et Georges ...

 

Sur son petit cahier d'écolier
D'une belle écriture soignée
Faite de pleins et de déliés
Il avait déposé son passé
Les heures sombres de notre histoire
De ce monde plongé dans le noir
La peur, l'angoisse, le désespoir
Et les quelques joies si dérisoires

Car Georges avait connu l'horreur
Les méchants coups qui font si peur
Expédié par les nazis
Dans les mines de Silésie
Josette étant encore enfant
Sous les balles des Allemands
Souvenir combien douloureux
Son père tomba sous ses yeux

Tous deux survécurent à la guerre
Pour se revoir c'était hier
Dedans un petit bal musette
C'est ainsi qu'il fit sa conquête
Elle le revoit en dimanche
Tout fier de socquettes blanches
Un détail qui la fit sourire
Bien assez pour la conquérir

Ils se marièrent aussitôt
La vie souriait à nouveau
Oubliés les anciens tourments
Ils étaient époux et amants
Le bonheur retrouva ses droits
L'amour serait toujours leur loi
Dans ce village si paisible
Où jadis ils furent des cibles

Georges fut le premier magistrat
Et jamais il ne renoncera
À défendre sa petite école
Dans sa belle région agricole
Il fit construire aussi une place
Afin d'ainsi laisser une trace
Et se souvenir de son destin
Ce sera la place Jean Moulin

Sur le petit cahier est noté
Ce bref récit de leurs deux passés
À coté de nombreuses chansons
Qu'ils chantaient tous deux à l'unisson
De simples rimes tout ordinaires
À fredonner sur de petits airs
Pour célébrer leur tendre passion
Et l'amour d'une belle région



mercredi 30 janvier 2019

Le violon d'Ingres de Georges.



*Le cahier d'écolier.*



Quand Georges et Josette eurent terminé de me raconter les faits marquants de deux existences parsemées de difficultés, je voyais bien qu'un petit secret faisait briller les yeux de Josette et rosir notre ami Georges.

Je sentais une envie de me montrer quelque chose. Non pas que je fus devenu leur ami mais ils voyaient aussi en moi, l'instituteur que je me plais à rester. Je n'ai jamais goûté l'appellation ronflante et dénuée de crédibilité de « Professeur des écoles ! ». Quand on me demande mon métier, je revendique toujours ce merveilleux titre (qu'on des esprits forts) -à revoir- ont relégué pour toujours.

Depuis que nos décideurs ont débaptisé nos maîtres, je crois bien qu'ils ont destitué l'éducation nationale. Pour mes deux interlocuteurs, la fonction est encore auréolée de la gloire d'antan. Georges a voulu voir quelques-uns de mes écrits. Sur la table de cuisine, j'ai sorti mon ordinateur et lui ai fait lire des textes à ma façon.

Georges ne cessait de répéter : « Ah, vous, vous savez écrire ! ». Il dissimulait ainsi une belle coquetterie. Josette n'y tenant plus m'apporta un grand cahier d'écolier sur lequel, depuis toujours, Georges conservait précieusement ses dix-neufs chansons, scrupuleusement numérotées.

Une petite écriture serrée, presque pas penchée. Les espaces se perdaient entre les mots qui semblaient se presser les uns contre les autres pour se tenir au chaud. Une plume d'encre noire avait tracé, sans faute ni rature, le bien le plus précieux de cette vie.

J'avoue avoir eu beaucoup de mal à déchiffrer cette écriture dense, appliquée au delà du possible. Il y avait là, le jardin secret d'un Georges qui aurait rêvé d'embrasser une autre carrière. Il a chanté lors des radios -crochets qui avaient lieu à l'époque.

Il eut même quelques heures de gloire en se produisant à Cahors et même à l'hôtel Méridien de notre lointaine capitale. Josette reprenait en chœur les couplets et les refrains que m'offrait l'auteur. Elle était et restera toujours la plus fervente admiratrice de son chanteur de mari !

J'eus l'autorisation, après bien des réticences il me semble, de vous offrir un couplet et un refrain de notre parolier discret. Josette ne veut pas voir piller le trésor de son époux. Je lui certifiai que je n'en ferai d'autre usage que de vous offrir ce cadeau. Soyez, vous aussi, garants de ce don.

Le Lot

Le Lot, la terre des merveilles
À chaque pas, un nouveau décor
Chaque jour, une joie nouvelle
Et nous t'aimons toujours très fort
Cahors est notre Capitale
Gambetta, le bon vin, le pont Valentrée
À deux pas Figeac, ville médiévale
Sous ton ciel, Champollion y est né
*®*
*C'est le pays de notre enfance*
*Ici est notre destinée*
*C'est sous ce ciel, celui de France*
*C'est dans ce Lot si envié*
*Lorsque vient le temps des vacances*
*Tant de touristes, oh oui, sont là*
*Pour nous prouver qu'on a de la chance*
*De vivre dans le Lot, croyez-moi.*
Respectueusement leur.


mardi 29 janvier 2019

Josette.


Le plus beau Tango du monde.



    Jostte n'a que 8 ans lorsque Georges est pris en otage. Son monde aussi a pourtant basculé. La même horde soldatesque, ces brutes sanguinaires de la division "Das Reich " approche les mines de charbon de Saint Perdoux.

    C'est là que travaille son père à qui elle voue une passion enfantine, figure tutélaire dans un foyer, où la mère paralysée ne peut tenir tout à fait la même place pour la fillette. Josette malgré son jeune âge doit s'occuper de la maison et de ses cadets ; trois frères et sœurs pour lesquels elle remplace les jambes et les bras d'une maman.

    Le 3 juin 1944, la vie de la famille bascule comme celle de beaucoup d'autres, dans un département devenu le martyr de cette division, qui sema sur son passage mort et désolation. Les monstres vert de gris, ce matin-là pénètrent dans la petite maison familiale …

    Ils frappent une femme qui ne peut se défendre, repoussent les plus jeunes, dénudent entièrement le maître de maison qu'ils exposent ainsi devant la fenêtre sous les yeux à jamais traumatisés de ses propres enfants. L'humilier ainsi n'assouvit pas leur haine inexpugnable, ils emmènent le pauvre homme avec sept autres innocents pour le passer par les armes !

    Josette gardera toujours en mémoire ce jour maudit entre tous. Lorsqu'elle m'évoque ces souvenirs terribles, elle fond en larmes mais veut aller au bout de son récit. La suite sera pour elle un long tunnel qui va la priver d'enfance.

    Les survivants vont s' installer à Saint Céré pour fuir le souvenir atroce. Josette va grandir au service des siens, sous le joug autoritaire d'une mère devenue acariâtre. Un beau-père viendra prendre la place de celui qu'elle ne peut oublier, pourtant, ce réfugié espagnol lui sera un doux réconfort.

    Les années passent, elle travaille au noir pour la boucherie du coin. Dès cinq heures jusqu'à midi, elle s'affaire pour son employeur avant de revenir travailler à la maison. Elle reprend le collier de quinze heures à vingt heures puis, une fois encore, enfile le tablier chez elle.

    Un jour pourtant, à seize ans, elle profite de l'invitation d'une bonne marraine pour partir à Paris. Elle y déniche un emploi gare Saint Lazare, la liberté et un peu de joie de vivre. Un administrateur zélé des affaires sociales du Lot la retrouve pour lui rappeler qu'elle est pupille de la nation et soutien de famille. Elle doit retrouver ses habits de Cosette au nom de la République.

    Trois années durant, elle vivra son enfer avec la bénédiction de l'administration française. Seuls quelques bals avec son amie Colette lui font oublier l'espace d'un instant cette vie terrible. C'est à celui de Saint Jean Lespinasse qu'elle trouvera l'amour de sa vie …

    Deux garçons qui ne sont pas du canton arrivent, le fait est assez rare pour être remarqué, dans une belle quatre- chevaux. L'un d'eux est raillé par Josette : avec sa chemise et ses chaussettes blanches, il est vraiment grotesque. Mais l'autre porte chemise bleue et il l'a déjà invitée à danser un tango !

    Il lui fait tourner la tête son bel inconnu de la Saint Jean ! Georges et Josette ont scellé leur destin. Ils avaient partagé à distance le même malheur, la vie se chargera de leur offrir maintenant plus de cinquante ans de bonheur.

    C'est assis à leur coin de table qu'ils m'ont confié leurs souvenirs, afin qu'à mon tour je les mette en mots !

    Coupdefoudrement vôtre



lundi 28 janvier 2019

Georges de Lissac-Mouret

2
De la carrière à la mine.





    Georges est l'un des fils d'Arthur, grand blessé de l'affreuse guerre de 1914-1918, gazé et touché à un poumon par des éclats d'obus. L'homme est affaibli et impose à son fils de quitter l'école avant l'année du certificat d'études pour garder le petit troupeau familial. De ce rendez-vous manqué avec le savoir scolaire, Georges gardera une plaie ouverte.

    Il a tout juste quitté son troupeau pour laisser la place à son petit frère Éloi. Sa vie va basculer pour une grenade jetée par un maquisard sur un détachement de la division "Das Reich", de sinistre mémoire. Les exactions de cette horde de bêtes sauvages ne se comptent plus. Sur leur  passage, ils sèment la haine, la peur et la mort. Plus loin, il atteindront l'innommable à Oradour sur Glane.

    Georges a juste dix-sept ans, il est pris en otage pour venger la mort d'un commandant puis déporté en Silésie, près de Dresden. Il travaille dans des conditions épouvantables auprès des prisonniers russes qui connaissent sort plus horrible encore. L'Allemagne est au bout du rouleau, les mineurs sont gardés par des vétérans de 14 ans, leurs vieux Lebel en bandoulière.

    La journée de travail est de douze heures. Un seul repas, un mélange infâme, un gruau de blé tendre et de pommes de terre constitue la pitance journalière. Les Russes sont moins bien nourris encore mais il est interdit de communiquer avec eux.

    Quand l'armée Rouge arrive pour libérer les prisonniers, Georges est de nouveau confronté à cette division" Das Reich" qu'il ne pensait plus jamais revoir. Acculés, les loups sont encore plus dangereux, les soldats refusent de se rendre et utilisent les prisonniers comme boucliers humains. Le propre des lâches c'est qu'ils sont prêts à tout pour sauver leur peau !

    Il faudra l'intervention conjointe des parachutistes et des blindés soviétiques en tenaille pour ramener à la raison ceux qui depuis longtemps ont perdu le statut d'humain. Georges a échappé à l'enfer, il lui faut maintenant rentrer au pays.

    Avec dix compagnons d'infortune, ils réquisitionnent six chevaux allemands et trois carrioles, puisent dans l'intendance teutonne abandonnée dans la débâcle pour se lancer à pied à la recherche des lignes américaines. Ils seront guidés par des Tchèques francophones et francophiles qui les conduiront jusqu'à Nuremberg.

    C'est là qu'ils prendront un train pour gagner Strasbourg. La France les accueille avec son souci éternel de planification administrative. Pour aller au-delà, il faut des papiers en règle et les prédécesseurs d'Éric Besson accordent aux rescapés le statut de déporté- otage.

    Quinze jours après sa libération, Georges est revenu à son point de départ. Son chien est le premier à le reconnaître, sa mère en entendant hurler l'animal est persuadée que l'on vient lui annoncer la mort de son fils.

    De cet épisode douloureux de son existence, Georges va fonder la morale de son parcours ultérieur. Quand il se plaint de nos gouvernants d'aujourd'hui, de ces êtres pour qui seul l'argent est la reine des valeurs, il ne peut qu'être en colère. Les brigands d'hier et d'aujourd'hui sont pour lui toujours les mêmes.

    Nous verrons par la suite comment cet homme de cœur a poursuivi sa vie. Il ne fut pas épargné par les coups durs mais jamais il ne dérogera à ses convictions puisées au plus profond de la détresse humaine.


    Historiquement vôtre.

dimanche 27 janvier 2019

Josette et Georges.



Récit numéro 1
Finissez d'entrer malgré la pluie !


    Je marchais depuis bientôt quatre heures, j'avais traversé trois villages et nul caboulot ne s'était offert à mon envie de boire enfin un petit café réconfortant. Je ne vais pas revenir sur cette désertification intérieure qui prive nos campagnes de petits espaces commerciaux. Elle m'inquiète grandement sur le devenir d'un pays qui ignore à ce point son espace traditionnel.

    J'en étais là de mes pensées lorsqu'au détour d'un virage,j'aperçus une fermette sage et modeste qui donnait signe de vie. Mon bidon était vide, il est souvent le parfait truchement à la rencontre impromptue, il fut cette fois le sésame d'un grand moment de bonheur.

    Celle que bientôt j'appellerai Josette était au seuil de sa porte. Elle m'offrait l'occasion espérée depuis si longtemps de réclamer cette eau qu'à plusieurs reprises, hélas, sur ce chemin, de pauvres gens ont eu l'indignité de me refuser.

    Josette n'est pas de ce marbre froid, la peur, depuis longtemps n'a plus de place chez elle. Elle m'accueillit avec cette merveilleuse phrase qui illumina mon périple : « Finissez d'entrer ! »
La glace était brisée, le marcheur dégoulinant de pluie n'effrayait pas la vieille dame. Elle s'offusqua même que je quitte mon sac à dos devant le pas de sa porte.

    La gourde remplie, elle appela Georges qui fit son apparition avec la démarche mal assurée de ceux qui ont beaucoup vécu. Un sourire, un mot gentil, la jeunesse du cœur n'a vraiment rien à voir avec les outrages du temps. Me sentant en lieu d'humanité, je me permis de dire :
« Si j'osais, je vous demanderais bien un café ! ». La formule est un peu cavalière mais elle n'offusqua pas mes hôtes de l'instant. Au contraire, elle fut suivie d'un « Asseyez-vous donc ! » qui ouvrit la porte des confidences à venir.

    J'évoquai alors les difficultés rencontrées sur la route pour obtenir pareil accueil. Georges me répondit avec bonhommie : « Moi, j'ai été déporté. Le père de Josette a été fusillé. Maintenant, plus rien ne peut nous faire peur. L'hospitalité est pour nous, un devoir sacré ! »

    Mon petit calepin rouge fit son apparition sur la toile cirée. Je demandai l'autorisation de prendre des notes, ce qui me fut accordé tout aussi facilement que le café. Durant plus de trois heures, mon stylo noircit le papier humide, Josette pleura souvent, Georges s'émut aussi, tous les deux chantèrent parfois et je fus convié à déjeuner pour poursuivre la conversation entamée.

    Mon chemin voulait remonter l'histoire ancienne. Je croisai brutalement la folie des hommes, la barbarie la plus monstrueuse que le siècle dernier ait pu enfanter. Georges et Josette en furent les malheureuses victimes. Pourtant, rien n'a retiré en eux leur merveilleuse humanité.

    Au terme du récit qui va suivre, quand plein de regrets, il me fallut les quitter, je ne pus dire, après avoir salué Georges et embrassé Josette : « Merci mille fois pour votre accueil et votre incroyable gentillesse. Vous venez de donner justification à mon voyage. Vous êtes l'honneur de ce pays ! »

    Le feuilletoniste laisse parfois son auditoire en suspens, il s'assure ainsi une audience attentive et souvent captive pour le prochain épisode. Je ne résiste pas à cette tentation coupable. Je ne vous imposerai cependant ni page de publicité ni pirouette formelle. À bientôt.


    À-suivrement vôtre.

samedi 26 janvier 2019

Le vélo en questions



Peut-on changer de braquet devant une banque ?
Un cycliste au régime doit-il toujours rester en danseuse ?
Mais où trouve-t-on des rayons de bicyclette dans un super-marché ?
Peut-on circuler entre les rayons à vélo ?
Est-il possible de tenir un guidon comme un manche ?



Comment un manchot doit-il s'y prendre pour tourner ?
Un ouvrier peut-il avoir un vélo avec cadre ?
Tous les vélos supportent-ils le porte-bagage ?
Peut-on commander une bicyclette par pneumatique ?
Comment écraser la pédale sans être taxé d'homophobie ?



Est-ce que rouler en peloton autorise les gestes déplacés ?
Le vélo n'est-il pas parfois à lui seul un porte-bidon ?
La béquille peut-elle vous éviter d'avoir de mauvaises jambes ?
La lanterne rouge remplace-t-elle le catadioptre ?
Comment faire une bordure en tricotant ?



Peut-on passer sur un nid de poule les mains sur les cocottes ?
Que risquait celui qui l'a échappé belle ?
Pourquoi ne roulent-ils pas en éventail quand il fait trop chaud ?
Est-ce normal que celui qui manque de ressort finisse par faire l'élastique ?
Avoir un coup de fringale vous met-il l'estomac dans les cale-pieds ?



N'y a-t-il pas quelque chose qui ne tourne pas rond quand un coureur rentre dans les roues ?
En tandem doit-on toujours se tourner le dos ?
Suce-t-il les roues pour éviter les crevaisons ?
Faut-il être dans la lune pour faire un soleil sur son vélo ?
Pourquoi ont-ils tous un coup dans la musette ?



Les draisiennes étaient-elle fabriquées à la chaîne ?
La roue libre a-t-elle rompu sa chaîne ?
Un marchand de vélos a-t-il pignon sur rue ?
Une dynamo est-elle compatible avec le développement durable ?
Qu'est ce qui peut regonfler un cycliste victime d'un coup de pompe ?



La gaine reste-t-elle à la mode chez les cyclistes ?
La rustine est-elle une innovation qui a percé ?
Un champion est-il contraint de prendre une musette à chaque ravitaillement ?
Pouvez-vous m'envoyez un câble, je n'ai plus de frein ?
Peut-on changer de patin sur le verglas ?



Peut-on se reposer sur une chambre à air ?
Le facteur à vélo porte-t-il les pneumatiques ?
La sonnette du vélo du facteur a-t-elle un joli timbre ?
Faut-il un pignon fixe pour pratiquer le sur-place ?
Un cycliste peut-il garder ses sacoches sous les yeux ?



Combien faut-il casser de rayons pour faire un soleil ?
Faut-il être lessivé pour monter dans la voiture balai ?
La bicyclette est-elle pour elle ?
Le vélo est-il macho ?
Réserve-t-on des pistes aux cyclistes parce que la route est une jungle pour eux ?

Bicyclement vôtre.





vendredi 25 janvier 2019

Le vin au pichet




Ça sent le vin, tiré au pichet

Pour des gredins, qui sont s'enivrer

Ça sent le vin, vidé par lampées

Par des marins qui sont arsouillés


Quelques catins, qu'ils veulent enlacer

De gros chagrins, qu'il faut oublier

Un p'tit rouquin, bu à ta santé

Un gros câlin, presque dérobé


Jusqu'au matin, des chants entonnés

Pour un refrain, et peu de couplets

Des mots malins, des airs plus légers

Tous les copains, le cœur enchanté


Quand un vilain, bien trop éméché

D'un coup de poing, se fait étaler

Les rires en coin, se mettent à fuser

Les plus coquins, lui paient une tournée


Quand la putain, aux charmes fanés

Prend par la main, un chtiot délaissé 

Le bon gamin, qu'il faut déniaiser

Sera marin, en fin de soirée


Un vendéen, parti en bordée

Joue l'aigrefin, devant la chambrée

Prend un filin, pour l'entortiller

D'un tour de main, en fait une poupée


Un argousin, venu s'abreuver

Paie du Chenin, quand c'est sa tournée

Refus hautain, de cette assemblée

C'est trop commun, pour l'amirauté


Ça sent le vin, tiré au pichet

Pour des gredins, qui sont s'enivrer

Ça sent le vin, vidé par lampées

Par des marins qui sont arsouillés



jeudi 24 janvier 2019

Auguste et Pauline.


La Loire en fil conducteur.




    C'est à l'heure du laitier et du petit déjeuner que notre héros est né. On ne peut faire mieux pour celui qui allait avoir un merveilleux destin précisément autour de cet instant si particulier. Nous sommes le 11 février 1825,  le petit Auguste voit le jour à six heures du matin. Il est le dixième enfant d'une modeste famille d'agriculteurs. Il n'a pas très bonne mine le gamin ; il ne sera jamais paysan, trop frêle, trop malingre ; il aura ainsi le rare privilège d'aller à l'école.

    Nonobstant, Auguste ne va pas user très longtemps ses culottes courtes sur les bancs de l'école. Il faut dire que ça coûte un franc cinquante par mois à ses parents. Il n'y reste que trois années. Chaque matin d'hiver, le gamin quitte sa ferme de La Borde : une métairie, pour se rendre,  une bûche sous le bras, à l'école de Pontlevoy, trois kilomètres plus loin. Mais comme il n'a pas le bonheur d'être d'une famille riche, il lui faut bien vite trouver occupation moins coûteuse. A l'âge de neuf ans le voici donc sur les chemins avec dix sous en poche et son baluchon sur l'épaule. Il se retrouve commis chez un épicier de Bléré en bordure du Cher.

    Durant deux ans, il y fait office de grouillot puis s'en va à Blois, déjà, ou pendant quelque temps, il trouve à s'occuper chez un autre épicier. Mais c'est qu'il a de l'ambition ce petit Auguste : voulant voler de ses propres ailes, il décide de monter à la capitale. C'est fort de la recommandation de la duchesse de La Borde : la patronne de son père, qu'il trouve à s'employer chez un épicier parisien Monsieur Leguerrier.

    C'est à bord à bord de la « Patache », remontant la Loire jusqu'à Orléans puis empruntant le canal pour se rendre à sa destination qu'il fait ce grand voyage de 24 heures au tarif exorbitant pour lui : 20 francs 25, l'équivalent de deux mois de salaire. Le voici employé dans  la magnifique épicerie du "Mortier d'argent"  sise  rue des Fossés-Monsieur-Le-Prince.  Il travaille entouré de thé, café, chocolat et autres épices. Dans cette boutique, un certain Honoré de Balzac s'approvisionne en café et en chandelles qu'il semble brûler par les deux bouts.

    Pris alors d'une passion dévorante pour le chocolat, Auguste se mit à le travailler au pilon puis le fabriqua à la main. Il le retire de l'enveloppe du cacao torréfié. Puis après l'avoir étendu sur des claies pour le faire refroidir, il trie les grains, les concasse et en expulse le germe. Le cacao et le sucre étaient ensuite broyés dans un mortier légèrement chaud. Auguste découpait la pâte obtenue  en boudins qui, après avoir refroidi à la cave, étaient enveloppés dans du papier d'étain et conservés au sec.

     Fermement décidé à devenir chocolatier, Auguste travaille huit années durant chez cet épicier parisien pour économiser l'argent nécessaire à son établissement ultérieur puisqu'il ne peut  compter sur l'aide financière de ses parents . En 1847, il quitte la capitale pour retourner en bord de Loire à Blois et ouvrir sa propre boutique ; il a vingt-deux ans, 1 800 francs d'économies et le bonheur d'avoir échappé à la conscription.

     Auguste loue un commerce au 68, Grande-Rue, près de l'ancien Carroir du Mal-Assis , pour lequel il signe un bail de neuf ans ! Cette maison qui avait vu naître Robert-Houdin, était placée sous une bonne étoile, entre magie et chocolat, au royaume des éternels enfants ! La ville de Blois hérite ainsi d'un nouveau confiseur ! Auguste embaume la rue. Il travaille de nuit et vend de jour. Les effluves du chocolat chaud arrivent jusqu'à la jeune Pauline, installée quatre maisons plus haut. Cette orpheline âgée de 17 ans, succombe au charme de ce garçon de 23 ans qu'elle épouse quatre mois après son installation.

    Pauline, dont les cousins étaient merciers, a la bosse du commerce. Elle encourage son mari à produire du chocolat à son nom et c'est ainsi que le Chocolat Poulain va  faire ses premiers pas. Pauline, excellente vendeuse, laisse à Auguste le loisir de produire son chocolat dans son laboratoire. Les fèves de cacao arrivant par la Loire, le sucre également,  Blois est  idéalement placée pour favoriser l'essor d'une industrie chocolatière.

    Pourtant, rien n'est acquis car dans la ville sont déjà  établis cinq autres confiseurs et quelques gros épiciers fabriquant, eux aussi, du chocolat, sans compter les nombreux concurrents d'Orléans. Il faut faire sa place et surtout imposer le chocolat comme un produit de plaisir gourmand et non comme une indication médicinale. C'est là l'intuition géniale d'Auguste qui veut imposer le chocolat comme une confiserie ….

    Le 25 juin 1850, dans un Journal du Loir-et-Cher, notre ami Auguste annonce la provenance de ses fèves et vante, au moyen de la publicité, la qualité de son produit. Le chocolatier blésois (il se revendique tel et non simple confiseur) utilise le mélange de fèves qui sera considéré comme le meilleur tout au long de ce siècle : un tiers de caraque pour deux tiers de Maragnan. Le succès va tenir à cette formule et à son sens des affaires..

    Pauline qui a hérité d'une maison, la vend pour permettre à son amoureux d'acheter une machine à broyer les fèves. Auguste dépose un brevet. Pourtant, le préfet tarde à donner son autorisation : on ne voit pas d'un très bon œil l'exploitation d'une machine à vapeur dans l'alimentation. Cependant Auguste est opiniâtre et, au bout de deux années de combat, il installe son nouvel atelier au 3 rue du Lion-Ferré. La machine est en vitrine, les badauds se pressent pour voir cette bruyante attraction.

    La famille tout comme le petit commerce s'agrandit. Augustine naît le 16 décembre 1849, Albert, le 6 février 1851 et Eugénie, le 29 septembre 1855. L'entreprise est constituée de quatre ouvriers. Le chocolat Poulain se fait un nom grâce à  Pauline qui décore de belle façon sa boutique et  Auguste dont l'imagination est débordante. Les clefs du succès sont en place.

    Pauline, bientôt secondée,elle aussi, par une vendeuse Estelle, vend du thé, du café et du chocolat. Auguste est très sensible à la qualité des produits qui lui arrivent par la Loire. La compagnie coloniale lui assure un approvisionnement régulier. Le magasin propose en outre de nombreuses confiseries et sa décoration intérieure invite aux voyages exotiques.

    Mais c'est bien sûr le chocolat qui fait le succès de la maison Poulain. Les présentations sont multiples et variées. À celles de ses confrères, auguste ajoute les fameuses "bouchées impériales ». Le succès fait des envieux, Auguste qui est copié par un concurrent peu scrupuleux qui se permet même de vendre moins cher les fameuses bouchées Poulain monte sur ses grands chevaux et fait passer une annonce par voie de presse dénonçant la contrefaçon. Il met en place une nouvelle stratégie qui atteste de son sens aigu des affaires. En voici le texte :

    «  La MAISON POULAIN, dont les Chocolats ont acquis une si juste réputation, a récemment créé, sous le nom de Bouchées Impériales, un délicieux Bonbon qui n'a pas tardé à exciter la concurrence d'un confiseur de Blois, qui, ne pouvant en égaler la qualité, s'est borné à en imiter la forme, aussi n'est-il pas surprenant qu'il puisse le livrer en raison de sa qualité inférieure, au-dessous du prix de 5 fr le 1/2 kilo établi par la Maison Poulain, qui défie toute concurrence loyale de le livrer à meilleur marché, et qui engage instamment sa nombreuse clientèle à faire la comparaison des deux produits … »

    La maison «Poulain» va s'agrandir ; fondant une entreprise qui fera la gloire de la ville de Blois. Auguste sait la valeur de la publicité et de l'image : il fait venir ses fèves par un bateau à vapeur que tous les riverains de Loire identifient. Longtemps après l'arrivée du train à Blois, le vapeur continuera à signaler à tous l'attachement de la maison Poulain à la tradition.

    La Loire servira encore de décor à un épisode glorieux. Quand les Prussiens sont à Blois, en 1870, c'est Auguste en personne qui traverse la rivière sur une barque pour aller négocier avec l'occupant. Il se place ainsi comme un notable incontournable dans sa bonne ville dont il va faire la prospérité des années durant. Il sera décoré de la légion d'honneur.

    La vie va continuer, de succès en heures de gloire. Auguste quittera cette terre en 1918 quelques heures après l'incendie de son usine qu'il a vendue en 1895. Une fin digne d'un conte de fées comme le fut cette histoire qui n'a besoin de rien de plus pour devenir une fable. Elle s'est déroulée au fil de la Loire et célèbre le génie commercial d'un enfant né dans une famille modeste.

    Admirativement sien.

mercredi 23 janvier 2019

La bête à bon dieu.



À en perdre la tête !



Il y a foule sur la place des martyres. Un merveilleux temps printanier a poussé la foule, toujours avide de sensations fortes à assister à la décapitation d’un brave homme. Les loisirs manquent en cette époque lointaine et la populace n’a pas encore la chance de pouvoir se repaître de violence sur les chaînes d’informations en continu. Autre temps, autres mœurs, c’est à un cours de biologie que les parents ont convié leurs enfants.

Un homme pourtant semble ne pas partager l'enthousiasme collectif. Il a la mine des mauvais jours et une tête qui ne nous revient pas. Il est le héros de la fête, la tête d’affiche en somme. Le succès de l’après-midi dépend de lui mais aussi du second rôle, l'exécuteur des basses œuvres, un homme quant à lui sourcilleux et attentif au moindre détail. D’ailleurs le bourreau affûte avec application le tranchant de sa hache, il n’est pas question de faire rater sa sortie à son client.

Le supplicié gravit une à une les marches de sa dernière scène. Tant qu’il le peut encore, il a l’intention de conserver la tête haute. Chacun place sa dignité selon ses possibilités, lui qui toute sa vie ne s’était jamais monté du col, a cette fois une posture de prince. Le silence se fait dans la foule, l’impression que donne le condamné est saisissante, quelle classe !

Le bourreau, homme perfectionniste, règle quelques petits détails afin de ne pas risquer de compromettre le spectacle. Il n’a jamais été payé en petites coupures, c’est à lui de trancher dans le vif une bonne fois pour toutes. Il lui appartient de ne pas faire souffrir son patient. C’est ainsi qu’il lui dégage la nuque, arrache le col de sa tunique pour que rien ne vienne perturber le bras armé de la justice.

L’air est doux, c’est une belle journée pour quitter cette terre pense le malheureux qui n’a déjà plus toute sa tête. Une grande partie de celle-ci est ailleurs, espérant l’existence d’un monde meilleur comme les prêtres lui ont toujours seriné cette belle promesse. C’est une consolation qui évite de mal se comporter à l’ultime instant. Ne pas perdre la face est sa préoccupation majeure, nous ne pouvons qu’admirer ce souci honorable.

Sa dernière heure était arrivée depuis longtemps. Il sait désormais que sa vie ne tient plus qu’à un fil qui va bientôt se rompre. Il pose sa tête sur le billot, l'exécuteur bande ses muscles, dresse son outil tranchant et se concentre pour viser juste. La foule qui depuis quelques minutes grondait à la perspective de voir la tête de ce gredin rouler dans le panier, se fait soudainement silencieuse, elle retient son souffle tandis que le bourreau prend une longue inspiration et que le supplicié s’accorde une dernière pensée bucolique.

Soudain, sur le cou qu’il convient de trancher, un petit insecte se pose, exactement là où le tranchant de la hache devait s'abattre. L’exécuteur est perturbé, ce détail vient troubler sa concentration tout en lui posant un cas de conscience : « Doit-il faire deux victimes ? » La coccinelle puisque c’est cette charmante bête qui est venue perturber la cérémonie, n’est en rien coupable des turpitudes du larron.

Le bourreau abaisse son arme, la foule s’indigne, ne comprend pas ce qui se passe. L’homme qui dans l’instant d’avant était en posture de tuer son prochain, prend délicatement la coccinelle et la prie d’aller voler ailleurs. La rumeur circule rapidement dans l’assistance. Ceux des premiers rangs ont vu l’incident, on se félicite de la décision du bourreau, cet homme a du savoir vivre.

L’animal envolé, chacun reprend le cours de l’action. Le supplicié est ravi de ne plus avoir ce sentiment de démangeaison qui allait perturber son départ, le bourreau dispose à nouveau d’une cible parfaite. La tragédie peut reprendre le cours de son récit. De nouveau la hache se dresse au dessus de la tête à couper quand la même coccinelle revient se poser au même endroit.

C’est cette fois un murmure général qui parcourt la foule. Le bourreau quant à lui vient de se signer. Il a vu dans ce phénomène un message du ciel. La bête à bon dieu n’est pas venue ici par hasard. Le message est perçu de la même manière dans l’assistance. Des cris émanent de la multitude :  «Grâce! »; « Il est innocent! », « Libérez-le ». Les autorités présentes pour jouir elles aussi du spectacle bénéficiant de places réservées (les bonnes habitudes n’ont pas changé) se concertent. Il convient de savoir se concilier le peuple et surtout d’exploiter opportunément les circonstances. La décision est prise dans l’instant avec la bénédiction de l'évêque assis lui aussi en bonne place ; l’homme est gracié. La foule, versatile comme toutes les foules, pousse des hourra retentissants.

Pour votre serviteur qui a pris le risque de vous raconter cette histoire, l’affaire se complique grandement. Comment trouver en effet une chute acceptable à ce récit sans queue ni tête ? C’est la bête à bon dieu qui m’en donne la réponse. Des points de suspension feront parfaitement l’affaire pour la représenter dignement et lui permettre de s’envoler vers des cieux plus cléments …

Coccinellement sien.

mardi 22 janvier 2019

Dieu en question



Nul n'est prophète en son Charlie ...



Comment recommander son âme à Dieu quand le cachet de la poste ne fait plus foi ?
Les saints restent-ils de glace devant les soixante-dix vierges ?
Comment un apatride peut-il être prophète ?
Doit-on rendre le coup de grâce à Dieu ?
Dieu aime-t-il se faire prier ?



A-t-on tiré le diable par l'aqueux lors du déluge ?
Dieu finira-t-il un jour par être un bon petit diable ?
Dieu croit-il en lui ?
Faut-il une foi aveugle pour ne pas voir les horreurs commises au nom du Très Grand ?
Un pâtissier honore-t-il tous les saints ?



La femme de Dieu lui a-t-elle fait une scène ou bien n'est-ce que son fils ?
Faut-il une révolution pour que le royaume de Dieu devienne une république laïque ?
Faut-il signer un bail pour louer Dieu ?
Le bouc émissaire aurait-il dû habiter au diable vau-vert ?
Les dix commandements ont-ils été gravés dans un marbre funéraire ?



Dieu pourrait-il être un faux témoin ?
Pour jurer au nom de Dieu, faut-il toujours cracher par terre ?
Les saints aiment-ils se couper en quatre pour multiplier les reliques ?
Dieu a-il pactisé avec le diable ?
Que se serait-il passé si Dieu avait confié à Mousse le soin de construire son église ?



Si les anges n'ont pas de sexe, pratiquent-ils la reproduction in vitraux ?
Dieu est-il un sur-Pape de sécurité ?
Si les voies de Dieu sont impénétrables, que dire des chemins qui vont à Rome ?
A-t-on changé les louanges de Dieu ?
Faut-il seulement faire des saints pour blasphémer ?



Faut-il être inspiré de Dieu pour expirer dans la haine et le meurtre ?
Ne vaudrait-il pas mieux explorer les ressources de l'humanité qu'implorer Dieu à tous propos ?
Les intégristes sont-ils dignes de foi ?
Pour donner foi au Paradis dans les cieux, est-il besoin de créer l'enfer sur terre ?
Les terroristes se détournent-ils de Dieu quand ils prennent l'avion ?



Qui du diable ou bien de Dieu a-t-il le plus besoin d'un avocat ?
Faut-il fréquenter une église avant de la demander en mariage ?
Peut-on remettre l'idée de Dieu sur le tapis ?
Depuis quelque temps, le prophète a-t-il mauvaise presse ?
Celui qui est inspiré de Dieu, peut-il en faire un dessin ?



Peut-on avoir la révélation de l'inexistence de Dieu ?
Est-ce parce que les fêtes ont été trop gourmandes que la France a une crise de foi en janvier ?
Montrer ses confesses en public relève-t-il du blasphème ?
Pour faire des sacrifices à son Dieu, a-t-on besoin d'avoir du sang sur les mains ?
Dieu est-il misogyne ?



Qu'est devenue la femme du diable pour que celui-ci ait des cornes ?
Puisque Dieu a écrit son testament, ne se considère-t-il pas comme un simple mortel ?
Chez quel notaire a-t-on déposé le nouveau testament ?
Comment connaître le taux des conversions ?
Si Dieu a créé l'homme à son image, pourquoi ne peut-on pas le représenter ?



Théologiquement sien.

« Les dieux n'étant plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été. » 

 

lundi 21 janvier 2019

Le chagrin d’une Princesse




Quand le chagrin s'infiltre entre les lignes
Que ses larmes ont délavé le parchemin
La cause d'un désarroi  qui la mine
Je lui relève le menton de la main
Pour que l'espoir à nouveau l'illumine.

Il était une Princesse
Ravagée par le chagrin
Quant au cœur de sa détresse
Surgit un beau marin
Il la pria d’embarquer
Pour suivre cette étoile
A la merveilleuse clarté
Qui illumine ses voiles

Elle ne se fit pas prier
Sans aucune hésitation
La belle quitta la jetée
Entonnant une chanson
Le vent fut de la fête
Enchantant sa mélodie
Elle oubliait ses défaites
Dans cet hymne à la nuit

Le bateau quitta le port
Escorté par des oiseaux
Effaçant tous ses remords
Dans les caresses des mots
Qu’un jeune mousse éperdu
Lui susurra à l’oreille
Lui aussi s’était perdu
Dans un malheur sans pareil

L’amour en ouvrant leurs cœurs
Chassait tous les nuages
Et ces terribles malheurs
Qui assombrissent les visages
Leurs peines s’envolèrent
Quand dessus le cabestan
Comme un coup de tonnerre
Se posa un Fou d’Bassan

Le pt’it mousse sans plus tarder
Se jeta au pied de la belle
Je serai ton chevalier
Tu me donneras des ailes
La Princesse pareillement
Se recouvrit de plumes
Et tous les deux en sifflant
S’envolèrent vers le Ponant



dimanche 20 janvier 2019

Les jumelles et le peintre.



Le cadeau de Laure



Il était une fois deux sœurs jumelles, nées dans une famille plus que modeste. Leur apparence était aussi dissemblable que le fut leur destinée. Curieusement ce fut un même homme, un célèbre artiste-peintre, Tomaso Rienz, qui infléchit le cours de leur vie. Le Maître italien avait acquis grande renommée à la cour ducale et avait peine à satisfaire aux commandes. Aussi, comme beaucoup de peintres célèbres de l’époque, avait-il recours à des élèves-détail important pour la suite de l’histoire-qui, à la manière du grand maître, achevaient ou exécutaient entièrement la plupart des tableaux monumentaux.

Notre grand personnage, flânant dans les rues de la ville en quête de sujets d’inspiration, fut attiré par la sublime beauté de la première jumelle, Angélique, bien que la gamine n’eût pas grande allure dans sa pauvre robe de futaine, occupée qu’elle était à quérir de l’eau à la fontaine. Ce fut un coup de foudre ! Pas question que de mauvaises conditions de vie gâchent ce modèle qu’il imaginait posant pour ses putti, ses chérubins, ses jeunes filles en fleurs, ses pécheresses, ses madones ! L’idée lui en était tellement insupportable, qu’à peine eut-il lié connaissance avec les parents de la belle enfant, qu’il fit tout pour les sortir de leur condition misérable, indigne de son futur modèle dont il se voyait le protecteur. 



Grâce à son influence, le père reçut une charge honorifique dans le palais ducal et la famille connut une aisance bienvenue. Quant à celle qu’il appelait la Bellissima, il la couvrit de cadeaux somptueux, de parures magnifiques, veilla à lui donner l’éducation d’une demoiselle de haute condition en échange de séances de pose pour illustrer ses précieux tableaux.

Hélas, Angélique n’en retira pas tout le bien qu’elle aurait dû. Traitée comme une sorte de déesse, elle se crut telle et, imbue de sa personne, devint vaniteuse, impérieuse, narcissique, égoïste au plus haut point. Les soupirants affluaient cependant, éperdus d’amour et d’admiration mais Bellissima se jouait d’eux, les traitait cruellement et personne ne pouvait fléchir son cœur.  En possédait-elle un seulement ? on pouvait en douter.

A l’ombre de la toute belle, se dissimulait l’autre jumelle, Liseron, surnommée Laideron, honteuse de ses traits ingrats, de sa silhouette androgyne qui contrastait avec les formes épanouies de la Bellissima. Esclave de sa sœur qui exigeait sa présence-repoussoir, sans cesse houspillée, maltraitée, talochée, elle ne disait mot, les yeux constamment baissés pour ne pas laisser voir ses pensées.

Elle attira cependant la compassion et l’intérêt de l’un des nombreux élèves du grand Tomaso. Rémi que le maître, jaloux de son talent, humiliait et rabaissait sans cesse, remarqua cette pauvre créature qui s’ennuyait mortellement pendant que sa jumelle se faisait peindre et admirer. Voyant en elle une âme –sœur, il entreprit de l’initier à son art dans lequel elle fit, en peu de temps, de considérables progrès.

Le garçon, dont le projet secret était de quitter Rienzi et de s’établir à son propre compte, faisait du travail lucratif « au noir » pour un riche personnage de la ville, son propriétaire. Cela consistait à peindre, de nuit, des tableaux sulfureux, réprouvés par la morale et la religion mais peu importait ; le commanditaire le payait grassement, à la différence de Rienzi. Liseron, devenue bien vite confidente de cette activité clandestine, émoustillée et désireuse d’aider le jeune homme à gagner le plus de ducats possibles, s’échappait secrètement de la demeure familiale, vêtue d’un habit masculin, et peignait avec lui, des heures durant, dans la riche demeure du commanditaire secret. Ensuite les deux complices s’accordaient quelques moments de détente-sinon de repos- dans le galetas du garçon, et reprenaient le cours de leur existence, se réjouissant à l’avance de la surprise qu’ils concoctaient à l’intention de cet entourage si dédaigneux à leur égard.

Un beau jour Rémi disparut mystérieusement et dans le même temps, il n’y eut plus trace du Laideron. La surprise fut immense ! On rechercha en vain les deux fugitifs sans toutefois lier leur sort, tant ces deux êtres qui attiraient si peu l’attention, avaient dissimulé leur connivence.



Quelques années plus tard, le grand Rienzi, tombé en disgrâce, vivotait sur les restes de sa gloire défunte. La Bellissima, amputée de son double, ne s’en remit paradoxalement jamais et sombra dans une sorte de folie narcissique ; toujours seule, fuie de tous de ses anciens admirateurs.

Deux frères peintres, non loin de là cependant, étaient apparus comme des météores dans le monde de l’art et connaissaient une immense notoriété. Leurs élèves, ils les prenaient au berceau ; ils en eurent même une bonne dizaine ! Comprenne qui peut !

Picturalement leur ! 

En hommage indirect à Yves Dupont 

 Qui m'a fait le cadeau de me croquer 


 


Le mystère de Menetou.

  Le virage, pour l’éternité. Il est des régions où rien ne se passe comme ailleurs. Il semble que le pays soit voué aux...