mardi 31 décembre 2019

Simplement des mots en guise de vœux


Quelques mots



Je veux vous offrir quelques mots
Pour qu'ils deviennent de belles chansons
Des mots tendres qu'on dit sans façon
Des mots doux qui donnent des frissons
Je vous adresse tous mes mots
Pour briser les laideurs du moment
Des mots durs qui deviennent tourments
Des mots forts qu'on hurle dans le vent

Les mots salés venus du large
Les mots copiés remplissant la marge
Les mots chantés sur un air joyeux
Les mots priés le regard aux cieux

Les mots pourris, envoyés à la face
Les mots gentils, brisant la glace
Les mots vomis blessant la bouche
Les mots bannis parfois si louches

Les mots composés d'un seul trait
Les mots avalés quand on bégaie
Les mots fléchés, pour aller plus loin
Les mots croisés perdus dans un coin

Les mots gourmands dans un festin
Les mots troublants pour un destin
Les mots savants tombant des nues
Les mots brigands, surgis de la rue

Les mots brisés quand on s'effondre
Les mots soudés qui nous confondent
Les mots crachés qui vous reviennent
Les mots oubliés, quelle déveine !

Les mots douteux qu'on nous impose
Les mots heureux sentant la rose
Les mots frileux dans une flamme
Les mots vicieux pour quelques larmes

Les mots clarté chantés dans la nuit
Les mots bonté pour toi mon ami
Les mots enchaînés par notre peur
Les mots aimés qu'on dit en douceur

Les mots certains de leur puissance
Les mots malins qui ont confiance
Les mots gredins qu'il faut corriger
Les mots lointains aimant voyager

Les gros mots qu'on lâche dans la peur
Les petits mots, offerts pour un cœur
Les vilains mots qu'on dit à main nue
Les vieux mots qui ne sont pas perdus 



lundi 30 décembre 2019

Tout en sifflant une bouteille.


Deux mille vins à boire 

 

Tout en sifflant une bouteille
J'imagine des merveilles
Tout en vidant une chopine
Je taquine ses copines
Tout en trinquant à ta santé
Je déguste à pleine lampées
Ce nectar magnifique
Tout droit sorti d'une barrique

A résisté, maudit bouchon
Voulait sans doute que je croupisse
Sans atteindre ce doux flacon
À la lisière de ce délice

A traînassé ce vilain garçon
Voulait sans doute que je le maudisse
Ce merveilleux vin de Chinon
Qu'il a vidé dans un calice

Tout en sifflant une bouteille
J'imagine des merveilles
Tout en vidant une chopine
Je taquine ses copines
Tout en trinquant à ta santé
Je déguste à pleine lampées
Ce nectar magnifique
Tout droit sorti d'une barrique

A fredonné une chanson
Tout en assouvissant son vice
En m' vidant à p'tits gorgeons
Ce qui me mit'en supplice

A tout dégusté mon cruchon
Ne m'offrant qu'un goût factice
Ce n'est qu'un vulgaire poch'tron
Mais qu'on appelle la police !

Tout en sifflant une bouteille
J'imagine des merveilles
Tout en vidant une chopine
Je taquine ses copines
Tout en trinquant à ta santé
Je déguste à pleine lampées
Ce nectar magnifique
Tout droit sorti d'une barrique

Allez l'ami enfin vidons
Fais de moi ton nouveau complice
Toi qui sera mon vigneron
Moi qui me mets à ton service

Jusqu'au matin, nos verres levons
et toute la nuit sous ces auspices
À bout de force nous trinquerons
À notre ivresse initiatrice

Tout en sifflant une bouteille
J'imagine des merveilles
Tout en vidant une chopine
Je taquine ses copines
Tout en trinquant à ta santé
Je déguste à pleine lampées
Ce nectar magnifique
Tout droit sorti d'une barrique



dimanche 29 décembre 2019

J'ai la mémoire qui flanche !


Souvenirs de Saint Sylvestre.




Je me souviens que nous étions tout jeunes parents et que nous avions décidé de franchir le seuil de la nouvelle année loin des cotillons et des dîners dansants.
Je me souviens que nous rêvions d'un Monde plus juste, sans guerre ni injustice, où chaque peuple aurait accès au bonheur.
Je me souviens des enfants qui arrivaient d'année en année, avec parfois, sur la table dressée pour la fête, plus de biberons que de bouteilles.
Je me souviens que nous pensions alors que l'école donnerait sa chance à tous les enfants et que personne ne viendrait détruire cette formidable institution.
Je me souviens que le règne du lait prit assez vite fin et je sais que jamais la soif des hommes ne sera sevrée en cette nuit de folie collective.
Je me souviens que nous faisions encore bien naïvement confiance à la politique, pensant que des hommes de bonne volonté pouvaient renverser des montagnes.
Je me souviens que nos cheveux étaient alors aussi longs que nos liquettes, et l'espoir grand d'un monde meilleur pour nos enfants.
Je me souviens que nous espérions alors voir le partage, l'amour et la bonté gagner de proche en proche les habitants de cette planète.
Je me souviens avoir recréé ce Monde d'autant plus facilement que la nuit avançait, et que l'alcool faisait son œuvre.
Je me souviens que nous croyions alors en l'idée Européenne pour obtenir l'union des peuples et une société plus juste.
Je me souviens de folies nocturnes qui firent de nos réveillons, des moments de grâce et d'incroyable communion dans ce petit coin d'Aveyron.
Je me souviens des premières désillusions, des trahisons politiques, des guerres pour du pétrole et de la prise de conscience d'un chômage qui jamais ne baissera.
Je me souviens d'une crèche vivante, d'une véritable étable avec des vaches qui n'avaient rien demandé à personne et qui partagèrent leur litière avec tout ce qui convenait à la fête.
Je me souviens de la montée des intégrismes, des prélats ou des ayatollahs qui allaient ensanglanter le Monde pour un Dieu que l'on nomme Amour.
Je me souviens de balade nocturne en tracteurs, de bidons d'huile à peine secs, d'un vacarme des quatre cents diables pour annoncer l'année et la remorque nouvelle.
Je me souviens de la multiplication des chaînes sur nos petites lucarnes et de la vulgarité des programmes qui remplacèrent alors ceux qui nous avaient fait grandir.
Je me souviens d'un naufrage Titanic, d'une table de camping qui se plia de rire, de nageurs dénudés par une température Sibérienne.

Je me souviens de la chute d'un mur, d'un espoir Universel vite déçu au profit d'un capitalisme pire encore que le monstre totalitaire.
Je me souviens de spectacles impromptus, d'une vie qui ne sera jamais un long fleuve tranquille au milieu d'un lac ou des cygnes se prenaient pour des oiseaux mazoutés.
Je me souviens de festivals et de concerts, de rassemblements culturels quand les artistes avaient encore un statut et que la curiosité ne se décidait pas à la télé.
Je me souviens d'une partie de cartes dans une autre étable, des hommes en shorts qui firent le tour des maisons environnantes, un béret sur la tête pour plus de dignité.
Je me souviens de l'arrivée de l'Euro, de notre naïveté avec ce petit paquet de pièces dans nos poches avant que les prix ne se mettent à flamber.
Je me souviens d'une histoire sans fin, d'une nourrice télévisuelle bien commode pour la multiple progéniture, entassée devant une écran minuscule.
Je me souviens des convictions politiques, des candidats qui parlaient en notre nom et qui n'ont jamais agi que pour l'intérêt de quelques-uns.
Je me souviens de repas incertains, de plats impossibles, d'expérience absurdes et inconscientes qui transformèrent les cuisines en laboratoire de chimie aléatoire.
Je me souviens de la montée d'une droite extrême, fabriquée par un président socialiste et exploitée par son vieil adversaire Corrézien
Je me souviens de jeux à s'endormir debout, d'un maître de cérémonie oiseux et d'épreuves tirées par des cheveux qui devenaient d'année en année plus courts et plus blancs.
Je me souviens que l'argent n'était pas le signe de la réussite d'une vie, que l'intelligence alors, la sagesse ou la clairvoyance valaient tout autant.
Je me souviens des huîtres qu'on ouvrait encore dans le secret d'un sous-sol où disparaissaient des bouteilles de vin blanc.
Je me souviens que nous pensions voir le droit d'ingérence imposer notre vision de la paix alors qu'il s'agissait uniquement d'avancer quelques intérêts.
Je me souviens d'épopées acheteuses dans des hyper-marchés incertains où naissait à l'improviste le menu de la soirée à venir.
Je me souviens d'un référendum que nous avons pensé gagner contre les puissants, les appareils et les médias jusqu'à ce qu'on nous fasse taire pour toujours.
Je me souviens de tous ceux qui ne firent que passer, de ceux qui ne reviendront plus, de ceux qui n'en sont jamais revenus.
Je me souviens que nous avons voulu protéger notre Planète persuadés que nos changements d'habitude allaient être suivis par des décisions politiques.
Je me souviens de nos petits matins, d'une année qui s'ouvrait sur des débats philosophiques pour expliquer un Monde plus noir d'année en année.
Je me souviens que nous nous sommes opposés au bœuf aux hormones, aux OGM, à la mal bouffe, aux pollueurs, aux apprentis sorciers et qu'ils finiront par gagner.

Je me souviens d'une vache qui vêle en se mettant sur son trente et un, d'un évacuateur qui déraille au plus mauvais moment, d'une matrice qui se retourne sur elle-même.
Je me souviens que nous avons vu venir un petit homme énervé, menteur, arrogant, dangereux, manipulateur et que nous redoutions son avènement.
Je me souviens que les enfants ont volé de leur propres ailes, qu'ils ont fui un à un le théâtre de nos réveillons sans eux.
Je me souviens que les braves gens ne nous écoutaient pas quand nous disions qu'ils allaient voter pour une bête brune qui allait casser notre nation.
Je me souviens de monstrueux Sumo enduits d'on ne sait quoi pour affronter une température à pierre fendre sans peur du ridicule ni de la pleurésie.
Je me souviens que nous avons pleuré pour notre pays en constatant d'année en année ce qu'il en faisait, que nous avons eu honte que nous nous sommes indignés.
Je me souviens qu'il y a eu les années chez les Coucous et les autres chez les Potiers. Que parfois, un autre lieu vint rompre l'éternelle alternance.
Je me souviens des expulsions, des injures, de la protection des riches, de la casse de l'école, de la disparition des fonctionnaires, de la baisse du pouvoir d'achat.
Je me souviens qu'alors nous allions jusqu'au petit matin mais que maintenant, quelques nez piquent bien avant l''aube.
Je me souviens des promesses qui étaient à l'inverse de cette sombre réalité, d'une catastrophe que nous allons renouveler.
Je me souviens des lendemains qui prolongent le bonheur de la veille, le plaisir de se voir avant que d'attendre une année entière.
Je me souviens des manifestations contre la réforme des retraites, d'un peuple qui se retrouvait enfin dans la rue pour dire une colère qui n'a pas même été entendue.
Je me souviens de la balade du premier, marche sous le froid, la pluie ou bien parfois la neige pour se donner la force de terminer une dernière fois les reliefs de la veille.
Je me souviens, j'enrage, je me révolte mais avons-nous retenu les leçons, avons-nous agi comme il le fallait pour que nos rêves deviennent autres que cette sordide réalité ?

samedi 28 décembre 2019

L’avers et le revers.



Dans les pas de l’homme sage.




Il était une fois, une époque où les humains tiraient de la nature les leçons essentielles qui leur permettaient d’avancer la tête haute ou bien de choisir en connaissance de cause le versant obscur. L’enseignement était alors une simple transmission, un moment de partage et de réflexion qu’un vieillard offrait en créance à un enfant. Point d’argent dans l’héritage mais une belle et simple philosophie de la vie qui se recevait par le cœur.

L’enfant écoutait l’ancien. Ce temps était alors celui du respect et du mélange des générations. La parole avait encore une valeur : elle était la bibliothèque et le véhicule de la sagesse. Les sirènes de la modernité n’avaient pas encore détourné les plus jeunes de ce bien incomparable que constituent les expériences accumulées par toutes les générations précédentes. C’était une époque d’un passé révolu …

En ce temps-là, l’ancien prenait le plus jeune par la main et allait sur les chemins de la terre. Marcher n’était pas encore un sport ou une hérésie : c’était le temps de la discussion et de la connivence. L’un et l’autre avançaient tout en devisant gravement. Les mots pouvaient alors suivre le rythme des pas pour faire leur chemin, profondément, dans la conscience de l’enfant.

L’ancien dit au gamin : « Regarde la rivière. Son eau est la source de toute vie. Elle nous apporte l'élément indispensable à toutes les espèces et aux plantes. Elle est bienfait et beauté, nous permet d’aller loin sur le fleuve. Pourtant, quelquefois, elle apporte mort et désolation, destruction et danger. Il en va ainsi de toute chose sur cette Terre et c’est à toi de toujours démêler le bien du mal dans ce qui t’entoure ! »

Le gamin ne soufflait pas, il ne haussait pas les épaules. Il écoutait gravement le discours de son aïeul. Il savait qu’il avait beaucoup à apprendre de lui. Il était en mesure d’écouter mais plus encore de retenir ce qu’il lui disait. La mémoire était en ce temps-là, l’outil de la connaissance et le véhicule de la sagesse.

Le vieux continua : « Le feu est, quant à lui, le double et le contraire de l’eau. Naturellement, l’homme, spontanément, redoute cette bête sauvage qui dévore tout sur son passage. Il a pourtant su trouver le moyen de le dompter pour se réchauffer et préparer les aliments. C’est ainsi que jamais rien n’est entièrement mauvais ni totalement bon. »

Le petit souriait. Il savait tout ça et aimait la manière dont l’ancien lui parlait. Il puisait dans ses paroles l’énergie qui ferait de lui bientôt un adulte : un être responsable de ses actes et de ses choix. La vie s’ouvrait à lui et il lui appartenait d’en assumer la difficulté et la grandeur, la complexité et la beauté.

Le vieil homme passa alors devant des colchiques. « Regarde ces fleurs. Elles nous avertissent de la fin de l’été. Elles sont belles, elles nous attirent et pourtant elles recèlent en elles un poison mortel. Il ne faut jamais se fier aux apparences, certains êtres sont enjôleurs : ils te font de belles risettes et sont capables des plus terribles trahisons. D’autres sont au contraire sévères, froids et distants. Ce sera sur eux que tu pourras t’appuyer quand tu seras à la peine. »

L’enfant avait déjà remarqué cet étrange paradoxe. On l’avait mis en garde bien des fois et il s’était brûlé les doigts à suivre des beaux parleurs qui n’étaient pas toujours aussi fiables qu’on pouvait le supposer. La route qui s’ouvrait à lui était semée d’embûches ; il serait bien délicat de trouver les bons appuis. Le chemin serait toujours glissant et incertain en toute circonstance. Il l’avait compris au travers d’expériences malheureuses et de grandes désillusions.

Le vénérable vieillard poursuivit son discours. Il tenait fermement la main de l’enfant, voulant sans doute lui transmettre bien plus que des mots. Le plus jeune sentait une chaleur inhabituelle dans sa paume de main ; il se pensait traversé d’un flux mystérieux et bienfaisant. Il acceptait avec confiance ce curieux phénomène qu’il ne comprenait pas vraiment.

« Les animaux n’échappent pas à la règle de la dualité. Ne les classe pas les uns dans les utiles et d’autres dans le camp des nuisibles. Seuls, ceux qui cherchent uniquement à préserver leur intérêt , se permettent ainsi de condamner des êtres qui ne font que tenir leur place dans la nature. Chacun y a sa mission, son rôle et sa raison de vivre. Vouloir interférer en cela c’est jouer les apprentis sorciers. »

Le petit, cette fois, sembla ne pas saisir la force du propos. Il se retourna vers ce beau visage de cire et le questionna : « Grand-père, tu ne vas pas me faire croire que le loup qui s’attaque à mes moutons quand je les garde dans le pré, qui pourrait s’en prendre à moi si la faim le tenaillait, est un animal qui a sa place dans notre pays. Je trouve que les louvetiers font bien de le chasser et de lui tendre des pièges. »

Le vieux eut un sourire qui plissa son visage. « Tu répètes un peu trop facilement ce qu’on veut te faire croire. Que sont quelques moutons perdus quand le loup régule l’équilibre de nos forêts et dévore les gros cervidés quand ceux-ci sont malades et capables d’infecter leurs congénères ? Quand ils ne seront plus là, les cerfs, les chevreuils, les daims proliféreront et bien plus grands seront les dégâts pour les hommes. »

L’enfant comprit alors que toute chose avait un avers et un revers. La vie se jouerait parfois de lui lançant au hasard la pièce pour déterminer de quel côté elle tomberait. Il lui appartenait de ne pas avoir à laisser faire le destin. C’est lui qui devait être maître de ses choix. C’est ce que son grand père désignait souvent sous un étrange vocable qu’il n’avait pas toujours compris : «Le libre arbitre ».
Le soir à la veillée, il avait souvent entendu la plus vieille du village dire ces propos qui aujourd’hui lui revenaient en tête avec plus de netteté. « Chacun de nous a en lui deux loups qui se livrent bataille. Le premier représente la gentillesse, la bonté et l’amour. Le second porte en lui la peur, l’avidité et la haine. Dans la rude bataille qu’ils se livrent, celui qui l’emporte est toujours celui que nous nourrissons le plus ! »

Il venait de comprendre. La longue promenade prenait fin. Il embrassa tendrement son grand-père, courut voir la vieille femme pour la remercier, elle aussi. La vie s’ouvrait devant lui et il savait désormais quelle responsabilité était la sienne …

Les années passèrent ; l’enfant devint un jour ce vieillard qui voulait éclairer la route de son petit-fils. Il fit comme l’avait fait son aïeul. Il le prit par la main et voulut le conduire en bord de Loire. L’enfant grommela. Il n'aimait guère marcher. Il consentit à suivre son grand-père pour ne pas encourir les foudres de ses parents. Au détour de la maison, il se mit un casque sur les oreilles. Le vieux n’y voyait plus grand chose, il ne s’aperçut de rien.

Ce que le vieil homme avait à dire se perdit sur les berges de la rivière. L’enfant n’entendit rien de ce qui avait été enseigné ici même, soixante-dix ans plus tôt. Le monde avait bien changé depuis et les porteurs de parole sont désormais condamnés à parler dans le vent. D’autres ont pris le relais. Sont-ils bons, sont-ils mauvais ? c’est à vous de vous faire votre opinion. Jetez la pièce en l’air, vous aurez la réponse, à la condition qu’on lui permette de retomber. Elle pourrait tout aussi bien finir dans une poche et vous laisser sans réponse …

Moralistement vôtre.


vendredi 27 décembre 2019

La dinde et la bûche …



Conte à couteau tiré.



Il était une fois une dinde amoureuse d'un chapon. La pauvre demoiselle avait beau jouer de ses attraits, le fier poulet émasculé ne lui accordait aucun regard. La dinde en perdait son latin et se pensait victime d’un étrange maléfice. Elle, à la crête brillante, au regard de braise et aux formes dodues, comment pouvait-elle se trouver ignorée de la sorte ?

Elle confia son dépit amoureux à un bûcheron du voisinage, homme simple et un peu rustre. La solitude et la rudesse de son métier avaient fait de lui un grand naïf. Notre forestier, en homme de la nature ne fut pas surpris qu'une dinde vînt vers lui pour lui l’interroger. La belle se sentit en confiance car dans l’instant, le bûcheron s’en prenait à coups de hache à un vénérable châtaignier. Les gallinacés ne goûtent guère la fréquentation des marrons en cette période de l'année !

La conversation entre l'homme des bois et la belle prit un tour aimable. Nos deux personnages se trouvèrent des points communs, des passions qu'ils partageaient. La dinde adorait la musique et tout particulièrement la scie musicale, à laquelle elle s'adonnait en amatrice. Le bûcheron, touché par ce clin d'œil de l'histoire, avoua alors qu'il aimait quant à lui, jouer de la cabrette.

La volaille vit dans cet aveu, l’assurance d’avoir affaire à une homme simple. Qu’il jouât d’un instrument sans bec n'était pas pour lui déplaire ; quelle délicatesse de sa part ! De plus il lui confia qu’il était végétarien, ce qui l’autorisa à poser la question qui la tourmentait tant : « Comment se fait-il que ce Chapon ne regarde jamais les dames ? »

Le bûcheron fut fort ennuyé. Comment expliquer à une dinde le sort que subissait les chapons au moment des fêtes. Jamais un animal ne pouvait être en mesure d'imaginer que les humains fussent à ce point cruels. Priver un être sans défense, de sa virilité, pour qu’il s'engraisse et vienne garnir la table du réveillon, voilà qui dépasse la compréhension animale ! Il inventa une fable pour justifier l'indifférence du castrat.

Ne sachant par quel bout prendre la chose, il agit par association d'idées. Auprès de lui, fruit de son labeur, quelques belles bûches s’entassaient. Il en offrit une à la dame en lui servant une menterie qui venait de lui passer par l'esprit. «  Ma belle demoiselle, votre chapon est un timide, doublé d'un maladroit qui n'a pas osé céder à vos avances pour un prétexte terre à terre. Quand on est de basse-cour, on aime à se percher pour dominer une dame de sa condition. Cela vaut aussi bien pour les gallinacés que pour les hommes ... »

La dinde le crut quoiqu’il terminât sa longue tirade d’un retentissant rôt. La dame avait mordu à la fable, le bûcheron s’enhardit à lui servir des fariboles. Le chapon est sujet à presbytie, ce qui lui impose de prendre de la hauteur pour s'adresser à ses pairs. Que le chapon fût ainsi qualifié de presbyte, la demoiselle ne pouvait en rien mesurer l'ironie qui perçait dans ce propos.

C'est ainsi qu'elle s'en revint dans sa basse-cour, une bûche sous son aile, persuadée que ce promontoire lui permettrait d’obtenir ce qu'elle désirait le plus au monde. Le chapon ne resterait pas de bois quand elle lui offrirait ce perchoir. C'est le cœur battant qu'elle rentra en son poulailler où l'attendait de pied ferme une paysanne armée d'un couteau effilé. La dinde ne vit pas arriver le coup fatal, elle rendit son dernier soupir !

Elle fut promptement plumée et ébouillantée, la dame avait le repas de Noël à préparer. Notre cuisinière aperçut la bûche qui traînait sur le sol. Se souvenant que c’était la dinde qui portait ce rondin, elle ne se formalisa pas de l'incongruité de la chose. Bien au contraire, c'est de cette coïncidence que lui vint l’idée d’un dessert original pour accompagner la dégustation de la dinde.

Ainsi explique-t-on cette lointaine tradition de manger, les jours de fête, une dinde ainsi qu'un gâteau en forme de bûche. Si vous voyez sur cette pâtisserie, une scie et un nain au visage coloré, c'est en souvenir du bûcheron qui n'était pas bien grand ! Je ne vous ai servi que la pure vérité. Il arrive parfois que par des voies détournées, un chapon finisse par engendrer une belle descendance. La sienne fut pâtissière. C'est bien la preuve qu'il ne faut s'étonner de rien. C'est ce qu'on appelle la magie de Noël.

Nativement vôtre.

jeudi 26 décembre 2019

Les vieux






D’abord il y’a les vieux
Assis au bord de l’eau
Qui regardent les bateaux
Ce qui les rend heureux
Se souviennent du bon temps
De leurs folles années
Passées à naviguer
Sur ce bel océan
Ils revoient les amis
Ceux qui les ont quittés
Ceux qui se sont noyés 
et non plus de soucis
Se disent que maintenant
Ils seront les prochains
À partir c’est certain
Au pays des gisants



Il y a la plus vieille
Celle qu’a perdu son homme
Pour une bouteille de rhum
Une nuit sans sommeil
Est parti pour toujours
La laissant sur le quai
Tandis qu’elle se pâmait
Du plus parfait amour
Lui préféra alors
La grande étendue bleue
La mer et les cieux
De ses côtes d’Amor
N’est jamais revenu
Elle a passé sa vie
Scrutant toutes les nuits 
L’horizon et la nue




Il y a les oisifs
Qui s’ennuient sur le quai
Qui ne vont plus pêcher
Au delà des récifs
Ils sont pris dans la nasse
D’un métier sinistré
D’une passion oubliée
Dans les rêves d’une barquasse
Ils traînent leur misère
Le regard dans le vague
Riant d’une bonne blague
En buvant une bière
Ils sont privés d’espoir
Cloués sur la jetée
Sans jamais embarquer
Leur avenir est noir

 

Et puis il y’a Olga
Qui a donné son corps
À tous les gars du port
Les serrant dans ses bras
Pour quatre petits sous
Échangeant leur détresse
Contre une tendresse
Qui ne vaut pas un clou
Quand ils l’avaient séduite
Ils filaient sans un mot
Pour la fille de l’eau
Qu’ils oubliaient bien vite
Elle pleure tous ses baisers
Donnés sans désir
À ces gars du plaisir
Qui l’ont tous méprisée





Des vies au mouillage
Des cœurs sur la cale
La fin du voyage
Leur ultime escale
….


mercredi 25 décembre 2019

Femmes au foyer …


Les violences faites aux femmes.



Il n’est pas plus belle histoire macabre que celle des sorcières. Conteur, je n’hésite pas à faire appel à l’image de la Birette en prenant pour modèle Irène, personnage réel du département du Loiret qui a vécu en portant le lourd fardeau de cet anathème. Encore heureux pour elle que le XXème siècle n’était plus porteur d’inquisiteurs odieux. Cela pourtant n'empêcha nullement la malheureuse de vivre l’enfer et de mourir en martyre. Elle trouva une gloire posthume quand sa maison devint un lieu de culture, il était bien tard, la médisance avait fait son œuvre.

Plus connue et souvent emblématique notre Jeanne, la petite bergère connut les affres de l’impitoyable monstruosité des hommes. Elle rejoint là l’immense cohorte des dames qui finirent leur existence sur le bûcher, dans une Europe à feu et à sang, pourvu que ce fut le sexe faible qui en pâtisse. La Sorcière était alors le premier combustible d’affiliation à une société (terme évidemment machiste). La Fraternité du reste ne fera pas mieux, comme si une seule moitié de l’humanité permettait d’agréger une société.

Il est significatif de constater que le fait religieux contribua et contribue toujours à justifier la mise au ban de ce sexe qu’on prétend faible quand on évoque ses droits alors que c’est à elles que les hommes ont toujours confié les tâches les plus délicates, contraignantes, pénibles, rébarbatives. Celui qui a quelque chose qui pend entre ses cuisses devant, sans aucun doute, avoir besoin de se ménager pour permettre l’expansion de l’espèce.



Si les religieux de toute obédience aiment à porter une robe, c’est pour mieux réduire à néant la Femme. Le feu sacré fut certainement le moyen le plus radical pour maintenir l’hégémonie des mâles dont on peut ici apprécier le double sens de ce mot si ambigu. Rien n’a véritablement changé du reste dans cette effroyable main mise d’un sexe sur l’autre si ce n’est peut-être la reconversion des gens d’église vers les petits garçons pour assouvir leurs turpitudes.

Mais puisque le persifleur est également conteur, revenons à la grande histoire, pour offrir en ce jour de lutte et non de distribution souriante de roses et autres niaiseries commerciales, une histoire qui démontre l’iniquité des mots. Que les âmes sensibles, les adorateurs excessifs de la donzelle me pardonnent ce terrible pas de côté !

Il était une fois une petite bergère sentant en elle ce feu sacré qui déplace des montagnes et change la face du monde. Dans sa naïveté, la belle se pensa investie de la parole divine pour mener à bien son dessein. Elle enfourcha un destrier et se revêtit, faute suprême, de la tenue du combattant belliqueux.



Elle eut le mérite immense de convaincre le roi, ce pleutre incapable de mener la bataille contre l’envahisseur, tout autant que d’entraîner les gueux derrière elle. C’est ainsi qu’elle bouta l’odieux anglois de la bonne ville d’Orléans. Là fut son crime le plus terrible, celui qui allait provoquer sa chute quand le temps fut venu des trahisons de tous ceux qu’elle avait rétablis en dignité et en honneur.

Femme elle était, c’est en femme qu’elle serait jugée et condamnée à la pire des sentences : « Sorcière ! » Point n’est besoin d’un nez crochu, de quelques verrues bien placées et de cheveux longs et hirsutes, elle avait porté le pantalon à la place du roi, il convenait qu’elle périsse en suppôt de Satan.

L’église répond toujours présente quand il s’agit de montrer du doigt celle qui a fauté. Seule la Sainte Vierge échappe à la vindicte des hommes confits dans un célibat absurde, l’évêque Cauchon, lui joua un tour à sa façon, la menant sans coup férir vers une fin atroce. La pauvrette résista tant bien que mal, il n’est jamais plus délicat de clamer son innocence que lorsque celle-ci est réelle.



« Femme tu es, femme tu périras par le bûcher. » Il fallait frapper les esprits, leur apporter la lumière dans les ténèbres de leurs superpositions. La malheureuse serait brûlée en place publique. L’évêque dans un sursaut d’humanité lui demanda ce qu’elle désirait. La Pucelle éperdue eut la malencontreuse idée de lui avouer que son vœu le plus cher serait de finir son existence en humble et modeste Femme au Foyer !

En bon Cauchon qu’il était, le prélat comprit la requête comme tous ces hommes qui confondent leur bistouquette avec le glaive vengeur. Il viola la jeune fille afin qu’elle cessât d’être vierge et sans se soucier de ses larmes, la porta sur le bûcher. Il venait de satisfaire à la fois sa lubricité et l’ultime vœu de Jeanne. Elle monta sur le bûcher, n’étant plus pucelle, elle devenait dans l’instant Femme au foyer.

Elle s’éteint le 30 mai 1431. Elle fut et restera un symbole, non pas celui que tous ces hommes imbus de leur personne, s’empressent d’instrumentaliser pour défendre la Famille, le Travail et la Patrie en invoquant Dieu tout en défilant derrière son avatar mais bien celui de la femme humiliée, trahie, abandonnée, martyrisée. Que les flammes de l’enfer brûlent les arpions de tous ceux qui considèrent ainsi la Femme !

Paroboliquement vôtre.
 

mardi 24 décembre 2019

Le Bœuf de la crèche.



Légende de Touraine.



Il se murmure dans notre belle Touraine que, la nuit de Noël, certaines bêtes à cornes avaient la faculté de parler. Bœufs, vaches et taureaux conversaient joyeusement tandis que les hommes se massaient dans l’église pour célébrer la naissance de l’enfant Jésus. L’âne devait tenir sa langue : il ne bénéficiait pas de ce miracle annuel et en était fort meurtri. C’est certainement cette injustice qui explique ses sautes d’humeur le reste de l’année.

Du côté des bêtes « aumailles », on se régalait de cette aubaine : il y avait tant à dire sur le comportement des uns et des autres dans la ferme, d’autant plus que l’étable dissimulait souvent des comportements qu’il convenait de ne pas ébruiter. La vache, contrairement à sa réputation, est bonne dame et a le pardon facile, ce n’est pas elle qui irait médire de ses fermiers. C’est le bœuf qui a la langue la plus leste : il a gardé un chien de sa chienne à ceux qui l’ont privé du bonheur d’être taureau. C’est de lui qu’il convient de se méfier si on a des choses à se reprocher.

L’aventure que je vais nous narrer s’est déroulée un soir de la nativité à Saint Berdolin sur Loire . Le curé de l’église mettait la dernière main à sa crèche vivante ; on attendait le dernier moment pour mettre le personnage principal : le dernier-né de la commune, de manière qu’il ne prenne pas froid. C’était pour ce prêtre un moment de grande tension ; son église allait faire salle comble, ce serait la meilleure recette de l’année. Il ne devait rien négliger pour que ses ouailles rentrent chez elles , heureuses et remplies d’espoir.

Soudain, le brave curé, le père La Malice, se rendit compte avec stupeur qu’il avait oublié le bœuf. L’âne du père Gérard était propre comme un sou neuf ; son maître ne manquait jamais de le brosser avec application pour honorer la soirée et sa ferme. Mais le bœuf des Amiront avait « passé » cette année et le pauvre curé n’avait pas songé à réclamer un remplaçant. Quelle bourde impardonnable !

Il était trop tard pour courir la campagne. Les bœufs n’étaient pas si nombreux qu’autrefois. Il y avait bien celui des Lessage, mais ceux-là était de drôles de paroissiens, il se pouvait même qu’ils ne viennent pas à l’office. Décidément, le curé devrait en rabattre un peu pour aller leur demander ce service. Il n’y a qu’une messe de minuit par an : l’effort valait la peine et il n’y avait pas d’autre solution.

La Malice remonta sa soutane, enfourcha sa bécane et se rendit dans la ferme des Lessage. Il fut, à sa grande surprise, fort bien accueilli. Pour mécréants qu’ils fussent, ces gens avaient le sens de l’hospitalité. Le père s’empressa de déboucher une bouteille de Bourgueil, le vin préféré de Rabelais. Le curé remercia ces braves gens et leur expliqua, tout en buvant, sans en laisser une goutte, ce vin rouge qu’il préférait au vin de messe, la raison de sa visite.

Le fermier s’empressa de rassurer le curé. Il allait lui prêter son bœuf pour la messe car il n’avait pas l’intention de l’atteler ni cette soirée ni le jour de Noël. Mais hélas, il y avait un petit souci : l’animal paissait sur la grande île juste devant le village. Il fallait trouver un passe-cheval : un bateau spécialisé dans le transport des animaux, pour aller quérir le brave Pompon.

Le curé et le fermier se mirent en route pour aller trouver le passeur. L’homme était déjà en habit du dimanche. Il comprit la gravité de l’instant et, sans se soucier de se crotter, alla jusqu’à la cale pour libérer son bateau. Le trio embarqua à la nuit déjà bien avancée, pour traverser le bras de Loire et accoster à la pâture à Pompon. Fort heureusement, le passeur connaissait la rivière mieux que quiconque et la traversée se passa sans encombre.

Pompon, quant à lui, goûta très modérément d’être ainsi privé du grand palabre de Noël. Il avait tant à dire ! Une année tout entière qu’il était contraint de faire silence et on le privait de ce plaisir unique de dire du mal de tous ceux qui lui avaient manqué de respect ! Pompon était le préposé au corbillard du village. Et à maintes reprises, il avait eu à se plaindre de coups de badines immérités donnés par des bouviers d’occasion particulièrement indélicats.

Pompon opina sous la menace et quelques coups de nerf de bœuf généreusement infligés par monsieur le curé. Le saint homme avait la main leste : les enfants de chœur en savaient quelque chose. Le fermier, jamais n’aurait frappé son bœuf, mais il n’osait s’interposer devant le curé, ce soir-là.

Le passeur hérita de la colère de l’animal. Il reçut une ruade qui le propulsa dans une belle bouse qui ne demandait qu’à le recevoir. Le bel habit du dimanche était souillé. Voilà ce que c’était que de vouloir rendre service. Il n’y eut cependant pas d’autres incidents et Pompon prit place dans la crèche vivante. Il était l’heure de sonner les cloches et de recevoir le petit chérubin.

Pompon rongea son frein durant presque toute la messe. Il attendit le moment-clef de la représentation, quand le curé présente l’hostie de manière solennelle, pour prendre la parole : « Il en fait bien des simagrées cette bourrique. Pour l’enfant Jésus, il se montre d’une grande délicatesse mais pour mon arrière train et la croupe des enfants de chœur, il en va tout autrement ! »

Pompon ne songeait pas à mal. Il évoquait simplement les coups de pied que le curé donnait à sa troupe en aube quand elle était dissipée. Mais il se trouva dans l’assemblée des gens pour penser à mal et la messe prit une étrange tournure. Personne d'ailleurs n'imaginait que cette horreur eût pu être proférée par le bœuf . Déjà des pères s’étaient dressés et quittaient l’office de manière ostentatoire tandis que le curé en laissait tomber son ciboire de dépit.

Les femmes se signaient, n’osant réagir comme les hommes. Il y avait encore en ce temps- là un respect absolu pour celui qui portait la soutane. Mais Pompon, trop heureux de l'aubaine, profita de la confusion pour glisser une nouvelle saillie : « Et regardez-moi le père Auguste, il joue bien de sa badine, lui aussi, pendant les enterrements quand nous allons au champ de naviots ! »

Cette fois, s’en était trop, Auguste était le bedeau et voilà qu'il était sali également par ce mystérieux accusateur. Pompon riait sous cape-pour un bœuf, la chose est jubilatoire- il se prit dans l’instant pour un taureau furieux au milieu de l'arène. Il distilla alors deux ou trois choses à ne pas mettre entre toutes les oreilles. Il avait vu à plusieurs reprises des couples illégitimes jouer la bête à deux dos dans le secret de son étable : il ne pouvait garder ces informations pour lui.

L’église bascula soudainement dans une grande confusion. Les parents du chérubin se précipitèrent vers leur enfant pour le soustraire à cette folie. Dans les travées, on s’indignait, on s’apostrophait, on en vint même à échanger des noms d’oiseaux et des horions. Le curé était au désespoir : la messe de Noël tournait au fiasco et, pire que tout, il n’avait pas encore fait la quête. Il n’y avait d’autre issue que de sonner les cloches et d'annoncer la fin de la cérémonie.

Le passeur était rentré chez lui pour se changer. Quand il revint, l’église était vide. Il n’en croyait pas ses yeux et, plus incroyable encore, Pompon s’adressa à lui de manière fort cavalière : « C’est pas tout, passeur, mais vous allez me ramener immédiatement sur mon île ou je vais rapporter à votre femme ce que vous faites parfois dans les bosquets ! »

L’homme ne se le fit pas dire deux fois. Il ramena un Pompon, pressé d’aller raconter aux autres herbivores du troupeau la belle soirée qu’il venait de passer. Il n’était pas encore minuit : il avait assez de temps pour s’octroyer un joli succès. Quant aux Lessage, ils n’étaient pas venus à la messe en dépit de l’honneur qui leur était fait. Ils ne surent jamais l'esclandre que Pompon avait provoqué. Seul le passeur avait compris que le bovin bavard était la source du scandale mais il se garda bien d’en parler à quiconque.

Quant au curé, le père La Malice, il se murmure qu’il a fui sans laisser d’adresse. La messe de Noël suivante, il n’y eut plus de crèche vivante à Saint Berdolin sur Loire . Le nouveau curé était un homme sage et avisé. Il savait la légende des bœufs qui parlent et se garda bien de tenter à nouveau le Diable. Satan et les bovins portant pareillement des cornes, voilà un point commun qui mérite qu’on y accorde attention pour que le troupeau des fidèles soit bien gardé.

Nativement sien.

lundi 23 décembre 2019

L’envers du décor.


Recherche doublure désespérément.




Le Bon Saint Nicolas, un jour se trouva fort las, d’être réclamé en tous lieux pour récompenser les enfants sages. Le brave homme avait hérité d’une réputation flatteuse, qui, il faut l’avouer le dépassait quelque peu. Non seulement, elle était le fruit d’une méprise entre trois capitaines sur un navire sauvé de la tempête et trois gamins prisonniers d’un saloir, mais qui plus est, la fausse nouvelle avait séduit tant et si bien qu’elle s’imposa à lui comme une vérité première.

Les saints tout comme les humains ne sont pas à l’abri des artifices qu’impose la rumeur, cette incontrôlable propension des humains à raconter n’importe quoi ; j’en sais quelque chose ! Nicolas donc fut sollicité pour distribuer chocolats et friandises aux enfants du nord de la France. Un travail à plein temps pour un vieillard qui depuis longtemps aspirait à une cessation de son activité. Mais il n’est pas question d’aborder ce sujet au Paradis ; Saint Pierre tout comme le Patron sont totalement hermétiques à toute idée de retraite fut elle à point ou par capitalisation des indulgences.



Nicolas devait donc oublier ses douleurs, rhumatismes et autres tourments que son grand âge lui faisait subir. Le bonhomme devait faire bonne figure, sourire en dépit de son état de santé dégradé. Il se vêtit de plus en plus chaudement au risque de paraître ridicule avec cette grande pelisse fourrée. Il s’en moquait, l'essentiel pour lui était de ne pas prendre froid d’autant qu’on lui avait assigné une période d’activité à l’approche de l’hiver.

De partout pourtant émanaient de drôles de réclamations. Les parents étaient de plus en plus mécontents de leurs rejetons. L’éducation battait de l’aile ce qui en toute logique transformait les chérubins plus aisément en mauvais diables qu’en petits anges. Les offrandes n’étaient plus de mise, la remontrance s’imposait. Les parents, toujours prompts à se défausser des tâches ingrates, comptaient désormais sur Nicolas pour donner la fessée ou bien le juste châtiment.



Le Saint homme se refusait à ternir son image qu’il avait peaufinée au fil des siècles avec une merveilleuse science de la communication. Il n’était pas question pour lui de mettre à mal tout ce laborieux parcours parce que les enfants avaient pris le pouvoir dans les familles. S’il acceptait volontiers de ne plus leur offrir des cadeaux immérités, il n’était pas question pour lui, en revanche de lever la main sur eux.

Il eut recours pour satisfaire la demande à une agence d’intérim. La chose n’est pas nouvelle, le patron lui-même avait utilisé ce procédé pour trouver douze acolytes dont l’un ne se montra, il faut bien l’admettre aujourd’hui, guère reconnaissant. Il reçut des candidats tous plus hideux les uns que les autres, ils avaient la gueule de l’emploi et ne rechignaient pas à se salir les mains.


Curieusement se furent des lutins et des gnomes qui les premiers frappèrent à sa porte. Il est vrai que même dans ce domaine, les gens de petite taille éprouvent d’énormes difficultés à trouver un emploi en dépit de qualifications certaines. Deux retinrent son attention, un travailleur germanique : un certain Kobold dont la réputation n’était plus à faire et un personnage du pays, un Gobelin bien plus patelin.

Nicolas penchait pour la préférence nationale. Personne n’avait osé lui souffler combien cette option était ridicule lui qui venait d’Asie Mineure. Il n’est jamais aisé de contrarier un saint homme fut il vénérable et bienveillant. Le Kobold dut se résoudre à ne pas faire la maille, c’est d’ailleurs assez heureux tant il était hideux.



Le Gobelin se frottait les mains qu’il avait noueuses et couvertes de pustules, verrues et autres plaies purulentes qui allaient donner à ses claques une remarquable dimension tragique de nature à pousser la jeunesse à plus de modération. C’est du moins ce qu’escomptait Nicolas. Le couple se mit en demeure de célébrer leur premier 6 décembre commun. Cette année-là, il y eut plus de pleurs que de cris de joie…

La nouvelle se répandit bien vite parmi les gamins de tout le pays. Ils se réunirent en grande assemblée pour trouver parade à cette riposte des adultes qu’ils jugèrent unanimement fourbe et disproportionnée. Nul ne songea que mettre un peu d’eau dans leur vin eut été préférable, le tyran domestique ne mange pas de ce pain-là.



Après bien des réflexions, les mauvais drôles se mirent d’accord sur une stratégie en tout point remarquable. Ils fondèrent leur riposte sur la taille du Gobelin, s’indignant de l’exploitation d’une personne en situation de handicap par un exploiteur indigne. L’opinion publique fut retournée d’autant qu’une campagne véhémente fut menée sur les réseaux sociaux. Nicolas dut congédier le Gobelin qui allait trouver un emploi plus pénible encore dans une filature lyonnaise.

Retenant la leçon, le personnage de légende fit appel à un homme d’une taille dans la norme. Son offre d’emploi fut une fois encore sujette à procédure. Il y avait double discrimination. D’une part, une femme aurait parfaitement pu faire l’affaire et il n’était pas recevable d’imposer un critère de type physique. Il dut revoir son annonce et en dépit des revendications féministes, il choisit le père fouettard pour associé.



Leur collaboration tourna au fiasco. Le pauvre Fouettard se trouva accusé de pédophilie. Il est vrai que la fessée n’avait plus la cote et était susceptible d’être considérée comme un geste douteux et déplacé. Même l’évêque de Lyon émit d’extrêmes réserves sur la procédure choisie par Nicolas pour flageller les chenapans.

Fouettard se retrouva au violon, victime de l'opprobre générale. Seul un cinéaste polonais envisagea un temps de tourner un film pour prendre sa défense. Le projet ne fut pas mené à son terme faute de financements. Pour Nicolas, cette nouvelle contrariété le poussa à passer la main. Il se dit que c’est lui qui avait besoin d’une doublure.



Il confia sa petite entreprise à un certain Noël, un bonhomme qui accepta de prendre la suite en s’affublant des mêmes guenilles que son prédécesseur. L’homme renonça à mettre des conditions pour assurer la distribution des cadeaux. Les gamins avaient gagné la bataille, plus besoin d’être sages, polis, respectueux pour recevoir leur dû.

Le travail du Père Noël en fut décuplé. Il ne savait plus où donner de la tête. Ne parvenant pas à tenir la cadence, il se fit aider par des rennes, des animaux venus d’un territoire menacé par le réchauffement climatique. Les premières années, le système fonctionna au-delà de toutes les prévisions puis il se fit un mouvement d’opinion pointant du doigt l’exploitation des animaux.



Le brave bonhomme s’arracha les poils de barbe. Il était condamné à renvoyer les rennes dans leur toundra. Mais pour quel système alternatif opter ? Le traîneau motorisé s’imposait. L’énergie fossile ayant de plus en plus mauvaise presse, il eut peur qu’on lui jetât la pierre. Il fallait satisfaire à la mode de l’époque.

Conforme à son époque, le père Noël s’orienta vers le traîneau électrique. Qu’il dût s’équiper d’un casque troubla un peu l’iconographie officielle mais ce n’était qu’une petite concession à la législation. Il se trouva bien en butte aux militants écologistes qui l’accusèrent d’user d’une énergie nucléaire sans que cela le trouble vraiment. Il chargea son traîneau, traça son plan de route grâce à un GPS haute définition.


Le jour fatidique arriva, il allait se mettre en ciel pour faire son grand ouvrage quand il s’aperçut avec effroi que la grève générale avait bloqué la production d’électricité. Les piles à plat, le Père Noël se dit que décidément les temps n’étaient plus propices à son petit travail. Il baissa les bras et laissa tomber définitivement la belle petite entreprise mise sur pied, il y a bien longtemps par le brave Saint Nicolas. De toute manière, il était grand temps de jeter le point final à cette histoire, l’humanité allait bientôt disparaître dans la folie des temps.

Anachroniquement leur.


dimanche 22 décembre 2019

Guirlande réfléchissante …

Noël en question !



Pourquoi faut-il que les aiguilles de pin me mettent les nerfs en pelote ?
Un sapin a-t-il les boules quand on le coupe ?
Quelle bêtise a commis un sapin qu'on enguirlande ?
Faut-il couper la buche avec une scie ?
Pourquoi met-on ses deux chaussures sous un sapin qui n'a qu'un pied ?


Les rennes du père Noël aiment-elles la galettes des rois ?
Faute de mieux, qui veut bien faire l'âne ?
Qui se charge de changer la paille dans l'étable ?
Est-ce pour supporter les odeurs de chaussures que le père Noël porte une hotte ?
Est-ce sa tournée qui barbe ainsi le père Noël ?



Peut-on téléphoner au père Noël en PCV ?
Pourquoi le traîneau du père Noël passe-t-il au rouge ?
Peut-on écrire sans faute au père Noël ?
Les huîtres croient-elles aussi à la magie de Noël ?
Pourquoi faut-il qu'un sapin domestique clignote ?


Pourquoi le chapon ne trouve-t-il aucun charme à la dinde ?
Le paquet n'est-il pas plus important que le cadeau ?
Les enfants font-ils des listes par crainte d'oublier Noël ?
Peut-on avancer la messe de minuit à une heure plus chrétienne ?
Le pape croit-il aussi au père Noël ?


Le petit Jésus portait-il vraiment une culotte de velours ?
Un réveillon peut-il tourner au cauchemar ?
Marie eut-elle le temps de préparer le repas ce jour-là ?
Les rois mages apportèrent-ils le mir pour faire la vaisselle ?
Par où passe le père Noël quand il y a un chauffage par le sol ?


Jusqu'à quel âge le père Noël va-t-il croire en lui ?
Le petit Jésus a-t-il été pistonné pour obtenir une place dans une crèche ?
Le père Noël et le pape sont-ils de même essence ?
Est-ce parce qu'il porte une pelisse que le père Noël n'est jamais inquiété par les agents ?
Peut-on considérer que la crèche est une niche maritale ?



Certains finissent sur la paille mais que dire de celui qui commence ainsi ?
Peut-on faire un cadeau quand on est sans-papiers ?
Les pères Noëls de nos super-marchés ne sont-ils que de pâles copies ?
Pourquoi le père Noël n'a-t-il pas préservé son droit à l'image ?
Pourquoi tous ces réveillons me laissent-ils sur ma faim ?



Pourra-t-on encore croire au père Noël en 2019 ?
Est-ce que le père Noël se charge aussi des cadeaux fiscaux ?
Peut-on imaginer que le père Noël fasse grève sans qu'il soit remplacé par des policiers ?
Le réchauffement climatique incommode-t-il le père Noël et son équipage ?
Faut-il illuminer votre maison pour signaler votre présence au livreur de cadeaux ?


Si vous commandez des pizzas pour cette nuit là, viennent-elles en traineau ?
Que peut bien faire le père Noël le reste de l'année ?
Pourquoi dit-on la magie de Noël puisque le père Noël n'a ni chapeau ni baguette ?
Dans les magasins, faut-il mettre le paquet uniquement sur Noël ?
Me ferez-vous le cadeau d'un commentaire pour cette aimable plaisanterie de la nativité ?

Iconoclastement vôtre.


Des mots qui chantent

  Un livret qui chante … Si vous tendez l'oreille En parcourant ses pages Il n'aura pas son pareil Pour sortir ...