vendredi 19 octobre 2018

Escapade


Larguer les amarres.



Il est bon parfois de couper les ponts, d'aller voir plus loin sans se soucier de savoir pourquoi ni comment. Disparaître, s'offrir un peu de distance dans l'absence, de confort dans la fuite. Chacun pense ce qu'il veut de ces instants secrets, de ces trous dans l'emploi du temps qui portent en eux autant de mystère que d'énigme.

Le quotidien dans sa litanie, sans cesse répétée , est tout autant un refuge qu'un insupportable fardeau. Il a besoin de rupture, de brisure pour retrouver un peu de souffle et de fantaisie. Les vacances ou les weekends sont à ce titre de merveilleuses occasions de casser la rengaine, de retrouver surprise et joie de vivre.

Bien sûr, la parenthèse n'est qu'illusoire mais elle offre bien des avantages pour ne pas la dédaigner quand on a le bonheur de pouvoir se payer ce luxe magnifique. Il ne s'agit pas d'aller très loin, de faire un voyage merveilleux. Il suffit d'aller ailleurs, de sortir du cadre pour se retrouver un peu, se redonner de la force pour continuer le chemin.

Le travail, la vie familiale, les ennuis, les soucis financiers, autant de choses qui alourdissent le fardeau du présent. Lui octroyer une bouée d'oxygène, une bulle en dehors du temps, c'est se montrer en liberté avec soi-même. L'escapade est un trésor qu'il convient de préserver en dépit des soupçons ou des craintes qu'elle provoque chez les proches.

J'ai découvert cette nécessité lors de mes grandes marches. Je partais sans téléphone ni programme précis. J'allais à l'aventure, me laissant entraîner par les circonstances et les rencontres, le hasard et parfois la nécessité. Ce fut une révélation, un plaisir incomparable. La disparition des écrans radars est pour moi une jubilation que je ne saurais me refuser désormais.

Il est bien compliqué de faire accepter aux proches cette démarche si particulière. L'escapade relève de la fugue, à la différence que la première s'inscrit dans le ponctuel quand la seconde ne se donne jamais d'échéance. C'est une parenthèse enchantée, un vide qui se remplit de points de suspension …

J'aime les silences d'une journée sans lien, d'un moment sans programme. Vous disparaissez du rôle qu'il faut tenir à chaque instant ; vous retrouvez l'esprit pionnier, celui des nomades que nous n'avons jamais cessé d'être, en dépit de tous les carcans que notre civilisation nous impose. C'est un retour au primitif, au primal, au fondamental.

L'escapade est espiègle, elle se joue des autres comme de celui qui s'y abandonne. Elle le mène par le bout du cœur et du nez. Elle recèle tant de surprises qu'elle ne vous laisse jamais le temps de vous ennuyer. Elle fait de ces quelques heures, un miracle d'émotions. C'est ce que j'aime en elle.

Est-elle raisonnable ? La question n'a guère d'importance. La folie passagère ne durera pas. Il faut revenir, il faut réintégrer les oripeaux de l'homme sage. C'est la règle du jeu du sédentaire. D'autres ont fait le choix du mouvement perpétuel ; ils sont plus libres que nous mais à quel prix ? Celui du mépris et de la méfiance, du soupçon et du rejet. C'est bien le signe qu'ils sont restés ce que nous n'aurions jamais dû cesser d'être.

Homme libre, toujours tu chériras le chemin, la poussière que soulèvent tes pas, les mystères qu'ils dévoilent. Alors, laisse-toi aller à ce petit bonheur simple : celui de l'escapade. Ouvre la porte, prends ton sac à dos et pars sur la route sans but ni raison. L'aventure mérite d'être vécue ; elle te fera plus grand et plus libre encore. Tu reviendras peut-être, façonné par les rencontres, impressionné par les émotions et les sensations. Tu auras toujours au cœur l'envie d'un bel ailleurs.

Escapadement vôtre.

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