jeudi 12 juillet 2018

Pêcheur d’Aloses



La plateforme du rêve



Il est, à l’ombre des platanes, un très vieux bateau de bois : « Pêcheur d’Alose » qui depuis 1937 côtoie la Loire. La vieille embarcation fait désormais eau de toutes parts, elle préfère maintenant la quiétude de la berge au tumulte des flots de la Loire. Celle-ci d’ailleurs est fort agitée, charriant des troncs d’arbres et n’ayant de cesse de gonfler d’heure en heure. Les pluies récentes lui ont remis du rose aux joues, c’est ainsi que nous l’aimons.

C’est sur cette belle plateforme qu’un Bonimenteur s’est installé, profitant de ce promontoire pour accueillir des gamins, venus en compagnie de leurs enseignants, à la découverte de la culture ligérienne. Les Fis d’Galarne, la joyeuse chorale des mariniers de Gien est à l’initiative de cette animation. Une invite à laquelle ont répondu quelques classes, d’autres ayant préféré, mystérieusement, tourner le dos à cette journée récréative et pédagogique. J’avoue ne pas comprendre mes nouveaux collègues …

Sur le quai de Gien, des stands sont installés pour recevoir les groupes d’enfants. Les pêcheurs à la ligne font œuvre de vulgarisation afin d’encourager les enfants à pratiquer ce loisir. Les élèves sont attentifs, ils ne parviennent pas à quitter le stand, découvrant sans doute une activité dont, souvent, ils ont été éloignés à la différence des générations précédentes. On devine aisément qu’ils ne demandent qu’à mordre à l’hameçon …

Puis ils sont attendus par une charmante jeune femme qui leur propose de manier la terre, d’en tirer des figurines ou des animaux. Le bonheur de la manipulation associé à celui de la création font de cette proposition simple un moment agréable où l’activité manuelle se mêle à l’occasion d’échanger des commentaires et des impressions. Ce qui ne peut se faire aisément dans une salle de classe, se réalise ici, en bord de Loire avec délectation.

À deux pas d’un barbecue sur lequel rôtit délicatement un lapin dans la grande tradition marinière, une forge permet le travail du fer. Robert le Bourru, le bien nommé, sans doute un des doyens de la Marine de Loire, aime à transmettre aux enfants, le mystère du fer qui, chauffé par le feu, se laissera façonner. On le retrouve ainsi lors des différentes fêtes et l’on devine sa gourmandise à expliquer aux plus jeunes, l’œil pétillant.

Gérard propose une explication détaillée sur la peinture utilisée par les mariniers de Gien pour leurs bateaux. Elle est à base de produits naturels, une recette qui vient de Suède. C’est surprenant et parfaitement économique qui plus est : huile de lin, farine, eau, pigments, savon et sulfate de fer. Juste à côté, le stand traditionnel des nœuds malins et tout à fait marins, marche toujours très bien.

Plus loin Michel est au carrelet. Tout en expliquant aux nouveaux arrivants, les différentes animations qui les attendent, il simule la pêche traditionnelle au carrelet sur une toue cabanée. Les gamins découvrent une activité dont ils ignorent tout. Ils sont fascinés par ce filet qui soudain se lève, emprisonnant des poissons factices déposés par Isabelle et qui se trouvent soudain pris au piège.

Deux conteurs se répartissent les groupes. Nadine invite les enfants sur les traces de son castor édenté sous le regard bienveillant de Bruno, son compagnon. Elle est heureuse de leur présenter ce conte qu’elle a écrit tout en se disant quelque peu intimidée par la présence d’un collègue qu’elle estime plus expérimenté qu’elle. Bien au contraire, c’est l’occasion pour moi de lui glisser quelques conseils et de nombreux encouragements. Au fur et à mesure, je constate des progrès évidents et chez elle, une plus grande fluidité dans son expression.

Et puis il y a votre serviteur, jouant les cabots de service sur le pont de sa toue d’adoption. Je me suis lancé le défi de ne jamais dire le même conte tout au long de cette longue journée. Je vais m’y employer et tenir ce défi, ne sachant jamais ce que je vais dire au groupe qui arrive. Mon premier souci étant de prendre en main les enfants, de les mettre en situation d’écoute et de discipline. Quelques petites astuces du métier passé, le désir de ne rien céder d’entrée sur des exigences élémentaires de bonne tenue et la surprise de faire ce que les accompagnateurs n’osent ou ne savent pas exiger des enfants. Ce fut ensuite, à chaque fois, un vrai bonheur avec des élèves redevenant des enfants transportés dans l’imaginaire.

Lors du repas de midi, les enfants étaient conviés à s’installer dans la salle des fêtes voisine où une petite exposition leur était proposée par les naturalistes. C’est là que le groupe des Fis d’Galarne vint leur offrir une sérénade à leur manière, quelques chants a cappella écoutés avec ferveur par des gamins très respectueux. La cerise sur le gâteau fut ce chant, symbole du groupe et de la ville, connu et travaillé par les classes, repris en chœur par tous les gamins venus se placer devant les chanteurs et les musiciens. Un grand frisson parcourut les témoins de ces instants de communion. Quel bonheur que ce partage entre générations et cultures différentes. Un moment magique qui laisse espérer que rien n’est vraiment perdu.

Les classes rentrèrent dans leurs écoles. Les mariniers proposaient ensuite des balades sur la Loire pour ceux qui le souhaitaient. Ils eurent la satisfaction de voir revenir des gamins, cette fois accompagnés de leurs parents. Ils avaient réussi leur coup, ils pouvaient en être fiers. J’en profitai pour jouer le sketch des gilets de sauvetage lors de plusieurs balades tandis que mon compère Georges jouait les hommes de bord.

Nous n’avions nulle envie de partir alors que le soleil baignait les quais de Gien. Nous restâmes pour le concert des joyeux mariniers, installés sur leur bateau scène, devant les terrasses qui ont envahi les bords de Loire. Ce fut comme à chaque fois, un moment délicieux. À l’invite de mes amis, je les rejoignis pour offrir un conte truculent aux spectateurs. Les rires et les réactions furent la plus belle des récompenses pour achever une formidable journée qui devrait servir de modèle en bien d’autres cités ligériennes. Vraiment, les Fis d’Galarne avaient réussi pleinement leur journée éducative.

Pédagogiquement leur.


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