mercredi 21 mars 2018

Heureux qui comme Ulis



Le conteur au collège.
 
 

Une ancienne collègue s’est lancée dans un projet pédagogique autour de la Loire, qui coule à quelques encablures de son collège installé dans une ville porteuse d’une légende avec un dragon. Je ne vous en dirai pas plus. Elle a naturellement pensé à son voisin d’autrefois parti à la retraite pour faire le Bonimenteur. Ce fut avec plaisir que je répondis favorablement à son invite, certes avec une petite appréhension ne connaissant pas bien le public d’une classe Ulis.

La première difficulté dans une telle structure réside dans l’éventail des âges. Des élèves d’âge sixième à celui de troisième sont regroupés ici parce qu’ils ont des troubles liés à la maîtrise du langage. L’autre difficulté est l’éclatement d’un emploi du temps qui voit à chaque heure, des élèves partir en intégration dans une classe ordinaire. C’est un incessant va-et-vient pour lequel nous dûmes trouver un créneau afin de tous furent présents.

Ce jour ce fut la première séance, une prise de contact certes mais aussi la nécessité de séduire d’entrée pour convaincre ces adolescents que le conte n’est pas que pour les tout petits. C’est donc revêtu de ma dégaine de scène que j'accueillis tous les élèves qui rentraient de récréation. Ils me souhaitèrent tous le bonjour, je reconnaissais là la patte de ma collègue et le préalable idéal pour une belle séance. Je ne me trompais pas.

Après les courtes présentations d’usage, je leur demandai de lire à haute voix mon rituel de début de conte, un texte jouant des adverbes de temps pour casser les repères de l’heure et pénétrer dans l’imaginaire. Je pouvais alors réciter le texte d’une chanson, décrivant à ma manière, le parcours de la Loire. Une carte projetée au mur permettait de joindre le geste à la parole. Le silence était réconfortant, ils entraient dans mon univers. Je pouvais poursuivre en les invitant dans la légende de leur ville d’adoption. En classe Ulis, les élèves ne sont pas assujettis à la carte scolaire, certains viennent d’un peu plus loin.

Le dragon fit son effet. Il était désormais possible d’entrer de plain-pied dans le conte de facture classique, une belle randonnée animalière qui me permit de faire participer mes auditeurs attentifs précédée comme il se doit par le rituel. Ceux que l’enseignante avait présentés comme timides et réservés, participaient allègrement. Le lancement était lu, certes un peu laborieusement mais sans gène ni refus. Les réponses arrivaient spontanément, toujours accompagnées d’un merveilleux sourire.

Ce fut ainsi, d’histoire en histoire, me voyant gratifié d’applaudissements dès le deuxième conte, signe que la classe était oubliée, qu’ils étaient passés dans une autre dimension, loin du collège. C’est d’ailleurs en remarquant que personne n’avait fait attention à l'immuable sonnerie d’inter-classe que chacun se rendit compte que nous étions tous rentrés dans une bulle magique.

Certains durent partir pour se rendre dans un autre cours tandis que la conversation se prolongeait avec leurs camarades restés là. Rendez-vous était pris pour la prochaine séance en janvier avec d’autres récits et un rituel qui cette fois serait maîtrisé, c’est promis. Il leur appartiendra alors d’écrire un texte pour fermer le conte, pour revenir au réel. Ce sera le prochain travail de leur enseignante.

Elle reprendra également les contes, leur présentera les animaux de Loire abordés au fil des récits, les mots du vocabulaire fluvial, les expressions vernaculaires qui parsèment mes récits, les termes géographiques, les références historiques. Un vrai travail pluridisciplinaire qui collera parfaitement à l’esprit d’une telle classe.

Il me tarde déjà de les retrouver, de les faire participer un peu plus encore et surtout de les mettre en écriture pour à leur tour composer un conte que je me ferai une joie de dire avant qu’à leur tour ils ne l’interprètent. J’espère réaliser avec eux les ambitions qui m’ont poussé à quitter prématurément l’enseignement pour me lancer dans des animations de cet ordre. J’espère que ce récit donnera à d’autres classes l’envie de m’inviter dans cette aventure partagée autour du conte.

Avant de les quitter je leur proposai de servir de cobayes. J’avais écrit la veille un conte de Noël pour jeunes enfants. Je leur demandai, s’ils ne se pensaient pas trop vieux pour l’écouter, de me dire s’il avait une chance d’embarquer les plus jeunes. Ils se firent prendre, ils étaient heureux d’avoir retrouvé leur âme d’enfant et me rassurèrent sur la possibilité de proposer ce conte lors de l’arrivée du Père Noël sur la Loire.
Voilà, vous savez tout ou presque et vous n’êtes naturellement pas obligés de me croire sur parole. Je ne suis qu’un Bonimenteur.

Narrativement leur.

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